Devenir interprète – comment l’ONU manie les langues

Comment devenir interprète à l’Organisation des Nations Unies pour faire face à l’immense diversité linguistique ? Nous avons rencontré deux de ses interprètes. Leur mission : s’assurer que tout se déroule parfaitement !
Photo du siège de l'ONU avec de nombreux drapeaux qui témoignent du plurilinguisme

Devenir interprète à l’Organisation des Nations Unies peut sembler mission impossible. Avec 193 États Membres qui composent l’ONU, vous vous imaginez bien que beaucoup de langues sont parlées lors des diverses sessions, commissions et autres missions. Cette tour de Ba(b)bel des temps modernes pourrait facilement donner lieu à un chaos absolu.

Or, tels des super-héros débarquant in extremis pour sauver la situation, un groupe d’employés des Nations Unies se tient prêt à intervenir pour voler à la rescousse des participants aux prises avec un problème de communication : service d’interprétation.

Devenir interprète à l’ONU : comment ça marche ?

Le processus d’interprétation pour l’Organisation des Nations Unies est assez complexe. Les interprètes sont assis dans des cabines fermées alignées tout autour de la pièce, ce qui leur donne un point de vue approprié pour voir et entendre au mieux les travaux et débats de la session. Pour la plupart des conférences des Nations Unies, il est de mise que les interprètes fournissent une traduction simultanée : ils écoutent et traduisent en même temps.

Aux Nations Unies, il existe seulement six langues officielles : l’anglais, l’espagnol, le français, le russe, l’arabe et le chinois. À chaque conférence, deux personnes sont chargées à tour de rôle d’interpréter pour chacune de ces langues, à l’exception de l’arabe et du chinois pour lesquels ce ne sont pas deux mais trois interprètes qui ont respectivement cette mission.

Ce n’est pas clair ? Prenons un exemple. Admettons que quelqu’un soit en train de faire une présentation en français dans l’enceinte des Nations Unies. Les interprètes vont écouter et parler simultanément dans un microphone, traduisant ce qui est dit dans l’une des 5 autres langues officielles des Nations Unis. Les délégués qui assistent à la conférence sont équipés de casques audio qu’ils paramètrent en sélectionnant le canal correspondant à leur langue. Ainsi, les délégués hispanophones pourront entendre la version de l’interprète espagnol en choisissant le canal adéquat sur leurs écouteurs.

Jusqu’ici vous suivez ? Accrochez-vous, ça se complique lorsque le conférencier parle arabe ou chinois. Dans ce cas, les interprètes arabe ou chinois traduisent dans un premier temps ce qui est dit en anglais ou en français. Les autres interprètes s’appuient alors sur cette version pour traduire vers les autres langues… presque simultanément !

Elena Cisneros, interprète de conférence travaillant depuis l’Office des Nations Unies à Vienne, traduit vers l’espagnol à partir de l’allemand, de l’anglais, du français et du russe. Selon elle, la simultanéité de l’interprétation est un élément crucial dans le fonctionnement des Nations Unies.

« Nous ne voulons pas que l’orateur fasse de pause, car cela interrompt le flux des idées. Plus les locuteurs parlent normalement et plus leur discours est fluide, mieux c’est. »

Les interprètes travaillent par équipes de deux ou trois car l’interprétation simultanée est un exercice mental épuisant. Ainsi, Elena Cisneros et sa collègue se relaient toutes les demi-heures environ.

Mais l’interprétation simultanée n’est pas l’unique mode de traduction. Dans certaines réunions des Nations Unies, l’interprétation consécutive est requise. C’est la forme que la plupart des gens connaissent le mieux, grâce notamment à… Nelson Monfort !

L’interprétation consécutive est souvent utilisée pour des réunions entre des chefs d’États et le secrétaire général de l’ONU. Pendant ces réunions, l’orateur entrecoupe son discours de pauses régulières. L’interprète en profite alors pour traduire à l’assistance tout ce qui vient d’être déclaré.

Enfin, il existe une troisième méthode : c’est l’interprétation chuchotée. Lors d’une conférence, un interprète prend place au sein d’un petit groupe de personnes parlant une autre langue et traduit discrètement pour ce groupe, en simultané.

Devenir interprète, c’est difficile ?

Corine Van Drimmelen, interprète et traductrice, travaille occasionnellement pour les Missions néerlandaises et belges auprès des Nations Unies à New York. Selon elle, pour devenir interprète, il est indispensable d’effectuer un travail de recherche préalable pour se familiariser avec la terminologie, surtout lorsqu’il s’agit de jargon juridique ou de langage technique. Mais encore faut-il en avoir le temps ! Quand ce n’est pas le cas, le plus difficile est alors de se lancer à l’aveugle.

« Je me souviens d’une fois où j’étais interprète à la Mission belge pour une assemblée portant sur une affaire pénale. Je n’avais pas pu me préparer. Je ne connaissais rien sur cette affaire. On ne m’avait communiqué aucune information ou documentation… Ils ont immédiatement commencé par l’interrogatoire avec l’accusé. C’était extrêmement difficile. »

Et puis, il y a les discours officiels. Pour Elena Cisneros, c’est probablement l’une des plus grandes difficultés du métier.

« Les gens parlent parfois vraiment vite », explique-t-elle. « Il faut alors vraiment s’accrocher pour suivre le rythme. »

Elena Cisneros dans la cabine d'interprétation pour l'espagnol, à l'Office des Nations Unies à Vienne.
Elena Cisneros dans la cabine d’interprétation pour l’espagnol, à l’Office des Nations Unies de Vienne.

Un rôle primordial

Lorsqu’on a pour vocation de devenir interprète, il est toujours gratifiant de savoir que son travail est reconnu et apprécié. Corine Van Drimmelen se souvient ainsi d’une mission auprès de la délégation du Suriname dont la langue est le néerlandais et pour laquelle elle avait été couverte d’éloges.

« Lorsque les gens sont reconnaissants et apprécient l’aide que votre interprétation leur a apportée, ils vous remercient. [Ils] ont regardé vers la cabine où nous étions, ma partenaire et moi, et ont levé leurs pouces en disant que c’était formidable. Ça nous a vraiment fait plaisir ! » – Corine Van Drimmelen

Les Nations Unies constituent une plateforme qui permet d’aborder les questions mondiales les plus urgentes. Cependant, ces discussions cruciales ne peuvent pas avoir lieu si les participants ne se comprennent pas. Pour Corine Van Drimmelen, c’est donc avant tout le fait de réussir à faciliter la communication qui prime avant tout lorsqu’on souhaite devenir interprète.

« En tant qu’interprète, vous vous retrouvez toujours dans une situation où, si vous n’avez pas la connaissance des deux langues, les gens ne peuvent pas se parler. Sans notre travail, ils ne pourraient pas communiquer. »

Comme le souligne Elena Cisneros, devenir interprète est une mission d’autant plus gratifiante que les conversations traduites ont une importance souvent capitale.

« Lorsqu’on sent qu’on favorise la communication, les échanges, on ressent toute l’utilité de notre travail. Nous contribuons à surmonter les barrières langagières et culturelles existant entre des personnes qui se réunissent pour faire avancer quelque chose, parvenir à un accord ou changer des choses, afin de rendre le monde meilleur. »

Alors… ça vous tente de devenir interprète ? Ça tombe bien : l’ONU recrute !

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Dylan Lyons

Dylan a vécu un peu partout aux États-Unis avant de s’installer à New York. Il a fait des études de journalisme et de politique à l'université d'Ithaca, puis a travaillé comme responsable des réseaux sociaux pour CBS Evening News. Il aime le café, le chocolat, les petits chiens, Games of Thrones, le football, lire et écrire – mais surtout les petits chiens.

Dylan a vécu un peu partout aux États-Unis avant de s’installer à New York. Il a fait des études de journalisme et de politique à l'université d'Ithaca, puis a travaillé comme responsable des réseaux sociaux pour CBS Evening News. Il aime le café, le chocolat, les petits chiens, Games of Thrones, le football, lire et écrire – mais surtout les petits chiens.