Qu’est-ce que l’alphabet phonétique international ? Le guide complet

Connaissez-vous l’alphabet phonétique international (API) ? En avez-vous au moins déjà entendu parler ?
API

Quand on a étudié la linguistique à l’université, on sait que le premier contact avec l’alphabet phonétique international (ou API) n’est pas évident. Des symboles obscurs à déchiffrer, des mécanismes tout sau intuitifs, des concepts grandiloquents comme la palatale sourde et la fricative palatale sonore… Pourtant, l’API n’a rien d’insurmontable ! Avec quelques conseils et un peu d’effort, on peut apprendre l’alphabet phonétique international rapidement. Voici le guide complet de l’API.

Qu’est-ce que l’alphabet phonétique international ?

L’alphabet phonétique international est un système de notation qui représente les sons des langues parlées dans le monde. Contrairement à l’alphabet standard que nous utilisons, où une lettre peut représenter différents sons, chaque symbole dans l’API représente un seul et même son. L’alphabet phonétique international utilise des symboles spéciaux pour représenter les sons des langues de manière précise et cohérente. Par exemple, il y a des symboles pour les voyelles “i” (du mot “lit”) et “ɑ” (du mot “pâte”), ainsi que des symboles pour les consonnes “p” (dans “patte”) et “ʃ” (dans “chaise”).

Cela permet aux linguistes et aux locuteurs de différentes langues de communiquer plus précisément sur les sons. Et ce, indépendamment des différences graphiques et orthographiques entre les langues.

Une brève perspective historique de l’alphabet phonétique international

L’histoire de l’alphabet phonétique international remonte en 1888 quand onze linguistes se réunissent à Paris pour simplifier l’apprentissage de la prononciation des langues. Ils créent alors un nouvel alphabet commun, composé d’un ensemble de symboles, latins et grecs pour la plupart, et de signes diacritiques pour représenter les sons de toutes les langues. La prononciation d’une langue évolue en permanence du fait des pressions internes de la langue elle-même et de ses interactions avec des emprunts étrangers. L’API, lui aussi, est soumis à des mises à jour continues. Il a connu plusieurs extensions au fil des décennies pour mieux refléter les sons des langues du monde entier. Souvent, ces révisions tiennent compte de recherches empiriques en phonétique et en phonologie, ainsi que des besoins des chercheurs, des enseignants de langues et des locuteurs.

Pourquoi l’alphabet phonétique international : 3 caractéristiques de l’API à retenir

À ce stade, voici trois caractéristiques de l’API à garder à l’esprit :

1. Un caractère pour chaque son

Il est possible de représenter les langues avec des dizaines de systèmes d’écriture différents, allant des abjads consonantiques aux kana japonais en passant par l’alphabet cyrillique. Très souvent, une seule lettre peut se prononcer de plusieurs manières totalement différentes. Prenons deux mots pour le son “c” : “ciel”, “coton”. L’API, en associant chaque son individuel à un seul symbole, devient essentiel pour comprendre quelle prononciation donner à un mot. Ainsi, le “c” de “ciel” devient [s], celui de “coton” [k].

2.  Un système d’écriture universel

Il est possible de représenter toutes les langues connues à l’aide de l’API. Un texte rédigé en alphabet phonétique international peut être lu parfaitement par des locuteurs d’autres langues. Ils n’en comprendront peut-être pas le sens, mais c’est déjà un premier pas.

3. Une amélioration de la prononciation des langues et de l’élocution

L’API est un outil fondamental pour affiner la prononciation des langues, ou pour l’apprendre à partir de zéro si l’on est confronté à un nouveau terme. La transcription phonétique des mots permet de repérer les différences de sons que notre oreille n’est pas capable de percevoir. Il suffit de constater la différence entre le “oo” de “good” [‘gʊd] et celui de “moon” [‘mu:n]. Et c’est sans parler de “blood” [‘blʌd] ! Notons que l’anglais comporte une grande quantité de lettres muettes, c’est-à-dire des lettres que l’on ne prononce pas. Comment les reconnaître ? Grâce à la transcription de l’alphabet international.

Connaître et reconnaître les symboles de l’alphabet phonétique international

Au départ, l’alphabet phonétique international était clairement un projet eurocentré : il s’agissait de se référer exclusivement à la phonologie européenne. Mais puisque les linguistes sont animés par la curiosité et qu’ils travaillent avec le souci de la précision, le cadre référentiel a rapidement été élargi. Aujourd’hui, l’alphabet phonétique international peut s’appliquer à toutes les langues. L’alphabet phonétique international se compose de plus de 160 caractères, reflétant la multitude de sons de chaque langue. Bien sûr, chaque langue n’utilise donc qu’une partie de l’API.

Comme mentionné plus haut, les symboles de l’API sont tirés de l’alphabet latin (celui que nous utilisons en français) et de l’alphabet grec. Si certains de ces symboles sont des modifications de caractères existants, d’autres ont été créés en totalité. À présent, voyons quelques-uns des symboles de l’alphabet phonétique international.

Quelles sont les consonnes de l’alphabet phonétique international ?

  • [p] – prononcé comme dans le mot “pain”
  • [b] – prononcé comme dans le mot “bain”
  • [t] – prononcé comme dans le mot “table”
  • [d] – prononcé comme dans le mot “doigt”
  • [k] – prononcé comme dans le mot “coton”
  • [g] – prononcé comme dans le mot “grand”
  • [f] – prononcé comme dans le mot “feu”
  • [v] – prononcé comme dans le mot “vache”
  • [s] – prononcé comme dans le mot “ciel”
  • [z] – prononcé comme dans le mot “zéro”
  • [ʃ] – prononcé comme dans le mot “chat”
  • [ʒ] – prononcé comme dans le mot “jaune”
  • [ʁ] – prononcé comme dans le mot “rat”
  • [l] – prononcé comme dans le mot “lit”
  • [m] – prononcé comme dans le mot “maison”
  • [n] – prononcé comme dans le mot “neige”
  • [ɲ] – prononcé comme dans le mot “gnou”

Les consonnes de l’alphabet phonétique international se répartissent en plusieurs catégories selon la partie de l’appareil phonatoire utilisée pour les prononcer. À savoir la glotte, le pharynx, le larynx, le palais mou (ou voile du palais), le palais dur, les alvéoles, les dents et les lèvres. Ainsi, on distingue :

  • Les consonnes occlusives bilabiales : [b] (sonore) et [p] (sourd) ;
  • La consonne nasale bilabiale : [m] ;
  • Les consonnes fricatives labio-dentales : [f] (sourde) et [v] (sonore) ;
  • La consonne nasale dentale : [n] ;
  • Les consonnes occlusives dentales : [d] (sonore) et [t] (sourd) ;
  • Les consonnes affriquées alvéolaires : [ts] (sourde) et [dz] (sonore) ;
  • Les consonnes fricatives alvéolaires : [s] (sourde) et [z] (sonore) ;
  • La consonne vibrante alvéolaire : [r] ;
  • La consonne latérale alvéolaire : [l] ;
  • Les consonnes affriquées post-alvéolaires : [tʃ] (sourde) et [dʒ] (sonore) ;
  • La consonne fricative post-alvéolaire : [ʃ] ;
  • La consonne nasale palatale : [ɲ] ;
  • La consonne latérale palatale : [ʎ] ;
  • Les consonnes occlusives vélaires : [k] (sourde) et [g] (sonore) ;
  • La consonne approximante vélaire sonore : [w].

Autre différence importante à garder à l’esprit : celle entre les consonnes sonores et sourdes. En effet, ce qui distingue la prononciation du “d” de celle du “t”, c’est simplement l’utilisation des cordes vocales pour le “d”. Ainsi, ces deux consonnes sont dites occlusives dentales, mais la première est sonore, tandis que la seconde est sourde.

Quelles sont les voyelles de l’alphabet phonétique international ?

  • [i] – prononcé comme dans le mot “lit”
  • [e] – prononcé comme dans le mot “peur”
  • [ɛ] – prononcé comme dans le mot “fête”
  • [a] – prononcé comme dans le mot “chat”
  • [ɑ] – prononcé comme dans le mot “pâte”
  • [o] – prononcé comme dans le mot “lot”
  • [u] – prononcé comme dans le mot “loup”
  • [y] – prononcé comme dans le mot “lune”

La différence fondamentale entre une voyelle et une consonne est qu’une voyelle est produite par la voix sans aucun “obstacle” sur le flux d’air, contrairement aux consonnes. Ces obstacles, comme nous l’avons vu, peuvent être divers, des dents au larynx.

Les voyelles aussi sont catégorisées en fonction de leur prononciation, en tenant compte de l’ouverture de la bouche, de l’espace entre la langue et le palais et de l’ouverture des lèvres. On obtient par exemple :

  • la voyelle centrale ouverte non arrondie : [a]
  • la voyelle antérieure mi-fermée non arrondie : [e]
  • la voyelle centrale semi-ouverte non arrondie : [ɜ]
  • la voyelle antérieure fermée non arrondie : [i]
  • la voyelle postérieure mi-ouverte arrondie : [o]
  • la voyelle postérieure semi-ouverte arrondie : [ɔ]
  • la voyelle postérieure fermée arrondie : [u]

Transcription phonétique : l’API en action

Plus d’un siècle après sa création, l’alphabet phonétique international semble être complet. Mais l’est-il vraiment ? Les linguistes occidentaux n’ont pas encore réussi à entrer en contact avec toutes les civilisations, notamment celles d’Asie et d’Amérique du Sud. Bon nombre de ces cultures ont évolué de façon isolée, plaçant ainsi l’API devant certains défis. Nous pouvons supposer que beaucoup de ces langues n’ont pas développé de système de notation et se transmettent de façon purement orale.

Ici, l’alphabet international peut s’avérer très utile, car l’orthographe phonétique sert presque de script de remplacement pour les systèmes de communication jusqu’alors inconnus. La diversité du champ d’application de l’API continue de s’illustrer lorsqu’il s’agit de transcrire à l’écrit des langues vivantes n’ayant aucune origine latine. Pour les locuteurs de langues dont la réalisation phonétique ne diffère pas fortement de l’orthographe (comme l’espagnol et l’allemand), l’API peut être un gadget intéressant et vraiment excentrique. Mais dès lors que l’on est confronté au français ou à l’anglais et à leurs dilemmes et impasses phonétiques, on ne peut plus se passer de l’API !

Alors, comment se fait la transcription phonétique ? Pour faire la transcription phonétique d’un mot, il est nécessaire de prendre en compte quelques règles :

  • Elle doit se placer entre crochets. Si vous voyez une transcription entre des barres obliques (/), alors il s’agit d’une transcription phonémique.
  • L’accent d’un mot est indiqué par un trait vertical précédant la syllabe accentuée.
  • En cas de consonnes doubles, la transcription phonétique offre deux options : soit la consonne est écrite deux fois, soit on l’indique par deux points.

Attention à ne pas confondre l’API avec l’alphabet phonétique de l’OTAN, c’est-à-dire A comme Alpha, B comme Bravo, C comme Charlie, etc. Il ne s’agit pas d’un alphabet phonétique, mais plutôt d’un alphabet radio ou téléphonique. Contrairement à l’alphabet phonétique international, il n’a jamais été standardisé et est utilisé dans le domaine civil. En revanche, l’alphabet phonétique international est bien utilisé officiellement dans le domaine académique ainsi que dans les dictionnaires.

Limites et critique de l’alphabet phonétique international

L’alphabet phonétique international n’a-t-il donc aucun défaut ? Pas tout à fait… En effet, nous ne parviendrons jamais à transcrire avec une exactitude absolue la prononciation d’un mot. Sinon, cela voudrait dire que le moindre mot prononcé devrait être transcrit. Ce n’est pourtant pas la même chose de demander avec surprise : « ce n’est pas vrai ? » que de marquer l’étonnement en laissant traîner la syllabe finale : « c’est pas vraaaaiiii ! ».

Cet alphabet international doit rester imparfait afin d’être universel et ignorer, par conséquent, les différences mineures et aléatoires entre les prononciations. Ce degré d’abstraction est flexible et s’adapte aux limites imposées par l’alphabet international. Cependant, l’API ne peut restituer de manière totalement exacte une expression orale réelle. La prononciation ne peut pas être réduite à un nombre fixe de composantes abstraites. La langue n’est pas qu’un phénomène acoustique que l’on peut disséquer. Elle possède également une mélodie ! Certes, il est possible de transcrire du Shakespeare dans la langue de son choix, mais rien ne permet d’exprimer fidèlement les sonorités particulières de cette langue.

Bien sûr, cela n’empêchera jamais les linguistes de tout faire pour essayer de tout transcrire. Les compromis créatifs qu’ils font pour cela sont très précis et accessibles. Prenons par exemple le mot anglais pretzel. Si on le transcrit de façon simple, cela donne [ˈpɹɛt.sl], mais si l’on veut être le plus exact possible, on peut déboucher sur la variante suivante, très détaillée : [ˈphɹw̥ ɛʔt.sɫ]̩. Remarquez-vous l’abondance d’informations que comporte la deuxième variante donnée par l’alphabet international ? Elle est bien plus exacte que l’option consistant à adopter une notation plus simple et générale.

Pour la plupart des locuteurs, ces détails ne sont pas importants, mais pour les scientifiques et les linguistes, ils font la différence. La variante plus générale représente les caractéristiques phonétiques principales, tandis que la version détaillée de l’alphabet international implique des variations phonétiques à un niveau quasi microscopique.

Parlez les langues comme vous l'avez toujours rêvé
Découvrez Babbel !
Partagez :