Pourquoi tout le monde trouve… l’allemand moche ?

« L’allemand, c’est moche ». Cette impression est bien implantée dans l’esprit des Français. Et ils sont loin d’être les seuls ! Pourquoi, à en croire tout le monde, en allemand tout ne serait que laideur et agressivité ?
La caricature de l'écrivain Mark Twain s'arrache les cheveux en lisant un journal allemand, coure après les particules des verbes et se fait écraser par un livre de grammaire

À en croire tout le monde, en allemand, il faut crier pour parler. Le monde des langues est parfois cruel.

Si l’italien a la réputation d’être la langue de l’amour, dans de nombreux pays, l’allemand est en revanche loin de jouir d’un tel prestige. Souvent considérée comme imprononçable et disgracieuse, la langue de Goethe serait plutôt l’opposé exact. Mais alors, à en croire tout le monde, en allemand les sons ne seraient-ils pas aussi agréables qu’en italien ? Combattons les préjugés et rendons sa beauté à l’allemand !

Pourquoi pour tout le monde, en allemand parler revient à crier ?

À en croire tout le monde, en allemand parler reviendrait à crier. D’où vient cette impression tenace ?

À première vue, la Seconde Guerre mondiale pourrait y être pour quelque chose. Plusieurs fois caricaturé dans des films d’après-guerre, l’allemand est hurlé par des officiers qui se contentent de répéter des Ach ! (Ah !), Achtung ! (Attention !) et Schnell ! (Vite !). C’est probablement pour cette raison que à écouter ce que dit tout le monde, en allemand on ne parle pas mais on crie.

Pourtant, plusieurs siècles avant ce conflit tragique, Charles Quint disait déjà « Je parle espagnol à Dieu, italien aux femmes, français aux hommes et allemand à mon cheval. » L’allemand, une langue réservée aux bêtes ? Le statut n’était déjà pas très enviable.

Contrairement à l’anglais ou à l’espagnol, l’allemand souffre en vérité d’un médiocre soft power. À quand remonte le dernier hit de l’été allemand ? Quelle série autrichienne a récemment déchaîné les passions ? Lorsque la vague Tokio Hotel a déferlé en France, les professeurs d’allemand avaient alors remarqué un regain d’intérêt pour leur langue fétiche. Depuis, l’engouement a chuté.

Les contextes d’exposition à l’idiome teuton sont peu nombreux… et c’est là tout le problème. Dans de telles conditions, comment apprendre à apprivoiser les sons allemands ? Il existe beaucoup de sons doux en allemand. En particulier les voyelles (a, u, o, e, o) et les diphtongues (par exemple, ei = eille, ai = aïe, etc.). Mais elles sont moins bien réparties que dans les langues romanes, jugées plus agréables. Prenez l’italien : une voyelle à la fin de chaque mot quasi systématiquement. De plus, on trouve aussi des voyelles typiquement allemandes : ä (« è »), ü (« u »), ö (« eu ») ainsi que le y qui se prononce « u ». Ces inflexions ne sont pas communes : elles sont inhabituelles  – et donc pas rassurantes.

C’est la beauté intérieure qui compte

Et que dire de la barbarie exercée par l’abondance de consonnes ? Une épidémie consonantique contre laquelle – encore une fois – le reste du monde n’est pas immunisé. Si on considère l’allemand moche, c’est parce que ses consonnes semblent agressives et trop éloignées de celles qu’on a l’habitude d’entendre. L’allemand est une langue trop différente et gutturale pour être belle. Le même reproche est fait à l’arabe. Plutôt que le n, qui est pourtant la consonne la plus fréquente en allemand, on retient les w, z, ch, k… Le raccourci vers la laideur n’est plus très loin.

Aux yeux des non-initiés (et des incorrigibles germanophobes), les Allemands chérissent une absence d’esthétisme linguistique incompréhensible. On pourrait presque croire qu’ils le font exprès ! Pourquoi les mots sont-ils si longs ? Un étranger peut-il espérer les prononcer correctement ? Prenons quelques exemples : Schwierigkeiten (difficultés), Wirtschaft (économie), komischerweise (bizarrement), selbständig (indépendant), zusätzlich (en plus). Et bien d’autres qui demandent un long entraînement pour être maîtrisés à la perfection : Eichhörnchen (écureuil), Schnäppchen (bonne affaire)…

Il faut admettre en effet que les mots allemands sont affreusement longs. L’Américain Mark Twain, auteur de Tom Sawyer, s’en plaignait déjà. Citons pour exemple selbstverständlich (bien entendu, qui va de soi) et Geschwindigkeitsbegrenzung (limitation de vitesse). Je me souviens de ma surprise le jour où j’ai découvert le mot Wassergefährdungsklasse (catégorie de pollution des eaux) dans un contexte professionnel. Comme je travaillais en Allemagne depuis plusieurs mois déjà, je n’ai pas crié à la laideur. Pour être honnête, j’ai même trouvé ce mot plutôt agréable… et terriblement logique !

Une langue plus accessible qu’il n’y paraît

Alors, comment expliquer qu’on puisse encore trouver l’allemand moche ? La réponse se trouve probablement dans les tréfonds de l’inconscient collectif. L’allemand, comme n’importe quelle autre langue, dispose d’une poésie singulière qui demande simplement d’être apprivoisée pour être appréciée. Tout le monde trouve l’allemand moche ? Avec Babbel, tordez le cou à cette idée !

Généralement, pour saisir le sens de bon nombre de mots à première vue indigestes, il suffit simplement de les décomposer. Une fois les mécanismes assimilés, on comprend la logique de la langue… et on peut l’apprécier !

  • Schwierigkeiten = Schwierig (difficile) + keit (suffixe pour former un nom féminin) + en (marque du pluriel) =  difficultés
  • Geschwindigkeitsbegrenzung = Geschwindigkeit (vitesse) + s de liaison (pour faciliter la prononciation justement !) + Begrenzung (limitation) = limitation de vitesse
  • Komischerweise = Komisch (bizarre – soulignons d’ailleurs la ressemblance avec comique en français) + er de liaison + weise (suffixe pour former un adverbe) = bizarrement. Sur le même schéma, on aura normal (identique au français) + er de liaison + weise = normalerweise (normalement)
  • Selbstverständlich = Selbst (soi-même) + verstand (de verstehen, comprendre) + lich (suffixe pour former un adjectif) = qui se comprend de soi-même donc qui va de soi. Sur le même schéma, on aura selbst + ständ (de stehen, être debout) + ig (autre suffixe pour former un adjectif) = selbständig (qui est debout par soi-même donc indépendant, autonome).

Alors, si on refuse de reconnaître la puissance poétique de cette langue, on peut continuer de trouver l’allemand moche. En revanche, contrairement à beaucoup d’autres langues (le français en tête), on ne peut pas lui reprocher de manquer de logique. L’allemand est une langue rationnelle, quasi mathématique. L’allemand, c’est le mariage de la raison et de la poésie. L’allemand est une belle langue avec sa propre musicalité. Oui, l’allemand, c’est beau !

Et si on commençait à propager cette rumeur ? Voyons jusqu’où cela pourrait mener…

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