C’est bien connu, s’entraîner à deux aide à garder de la constance dans la pratique d’un sport. Avec les langues, c’est pareil : avoir un partenaire que l’on apprécie stimule l’envie d’apprendre. Et si, en plus de ça, votre acolyte en sait plus que vous ou progresse plus rapidement, alors la (bonne) guerre est déclarée ! Entretenir une saine rivalité avec quelqu’un peut être très bénéfique et rendre l’apprentissage d’une langue étrangère plus divertissant.
J’avais dix ans lorsque j’ai réalisé à quel point mon frère m’était nécessaire, voire indispensable, pour apprendre une nouvelle langue. Nos parents avaient prévu de passer les vacances au Portugal. Pour préparer le voyage, Matthew et moi nous étions inscrits aux cours de portugais de la bibliothèque du quartier. Nous avons donc commencé à apprendre ensemble, en écoutant des cassettes et en faisant chacun notre tour les exercices du manuel… ça démarrait tout doucement. Mais un beau jour, après mon entraînement de football, je suis rentré à la maison éreinté pour découvrir que Matthew avait terminé le chapitre 4 du bouquin après son entraînement de basket… Un comble ; un affront ! Malgré mon état de fatigue, il me fallait absolument rattraper ce retard. Je n’aurais sinon pas seulement abondonné mon projet, mais aussi mon frère. Voilà ce que signifie pour moi l’idée d’une saine rivalité : elle requiert de l’équilibre. Les vrais rivaux, en réalité, sont comme des partenaires : ils ont besoin l’un de l’autre pour se surpasser et atteindre leurs objectifs.
En étudiant à deux, on double ses ressources. Non seulement avoir quelqu’un à ses côtés peut aider en cas de difficulté, mais cela permet également de pratiquer la langue, que ce soit quelques minutes par jour ou une heure chaque semaine. La simple présence du « rival » est une source de motivation : la volonté de continuer à étudier se consolide lorsqu’on remarque les progrès accomplis en parlant la langue avec quelqu’un. L’autre peut aussi agir comme une piqûre de rappel concernant les choix et les objectifs que l’on s’est fixé. Si on décide par exemple d’étudier le soir après le travail mais que, finalement, on aimerait bien procrastiner encore un peu, le partenaire/rival est là pour rappeler à l’ordre. Évidemment, la rivalité doit toujours rester professionnelle, saine et bénéfique : jamais de triche ni de coups bas, c’est la règle absolue !
Avoir un partenaire ne signifie pas forcément apprendre la même langue. On peut tout aussi bien choisir de chacun étudier des langues différentes. En ce moment, par exemple, j’apprends le hongrois et l’albanais ; Matthew le néerlandais et le papiamento.
Nous avons étudié beaucoup de langues étrangères ensemble au fil des années, mais il arrive aussi que nos intérêts divergent, et heureusement. Nous continuons malgré tout à nous entraider en testant nos connaissances respectives, en revoyant ensemble nos listes de vocabulaire, en nous interrogeant mutuellement à partir des manuels : celui qui interroge l’autre n’a pas besoin de connaître la langue pour ça. Un bon partenaire est avant tout quelqu’un sur qui l’on peut compter… et qui ne cherche pas constamment de nouvelles excuses pour se défiler !
J’aurais certainement envie un jour de découvrir le néerlandais et le papiamento, et je suis sûr que Matthew sera lui-même tenté d’apprendre les langues maternelles de Bartok et Kadare. Et je sais déjà que, le moment venu, il nous sera très utile d’avoir un partenaire qui comprend déjà les langues que l’autre désire apprendre.