Fièrement européen et fondateur de l’Europe des Six, le Luxembourg reste pourtant méconnu de beaucoup. Grand-duché, drapeau tricolore, Jean-Claude Juncker, elbling… quels sont les autres symboles chers à ce petit territoire enclavé de 600 000 habitants ? Le Luxembourg possède une histoire et une culture aussi riches que fascinantes. Et comme souvent, qui dit culture riche, dit linguistique. Mais savez-vous quelles sont les langues parlées au Luxembourg ?
Quelles sont les trois langues parlées au Luxembourg ?
Le Luxembourg compte trois langues officielles : le français, l’allemand et le luxembourgeois. D’après une étude menée en 2018 par TNS Ilres, le français est la première langue du pays. 98 % des répondants déclarent la parler, contre 78 % pour l’allemand et 77 % pour le luxembourgeois. Au-delà de ces trois langues officielles, il convient de citer la place de l’anglais (80 %) comme langue véhiculaire. D’autant plus que 45 % des habitants sont d’une nationalité autre que luxembourgeoise. Polyglottes modèles, plus de sept Luxembourgeois sur dix maîtrisent les trois langues officielles. Ils sont encore plus nombreux (73 %) à en parler au moins quatre.
Que nous dit cette étude ? Elle montre que si le Luxembourg est partagé entre influences romanes (français) et germaniques (allemand) et aspirations internationales (anglais), il possède surtout une identité propre (luxembourgeois). L’indépendance du Luxembourg est encore relativement récente puisqu’elle date du 23 novembre 1890. Au cours de son histoire tourmentée, le territoire a connu des périodes de domination par les Français, les Allemands mais également les Néerlandais. Le pays a été d’ailleurs annexé par l’Allemagne pendant les deux guerres mondiales. Le statut officiel tardif du luxembourgeois – depuis 1984 seulement – témoigne de la difficulté qu’a eu la langue à s’imposer.
Parlez-vous luxembourgeois ?
« Ech schwätzen e bësse Lëtzebuergesch » – Je parle un peu luxembourgeois. Cette seule phrase peut suffire à s’attirer la sympathie de nos voisins luxembourgeois. Troisième langue la plus parlée au Luxembourg, le luxembourgeois est langue germanique. Elle est étroitement apparentée à l’allemand. Mais la réalité est plus complexe. Le français a légué certaines de ses expressions. Notamment les mots de politesse salut, merci et pardon que l’on retrouve tels quels ou légèrement adaptés (villmols merci pour merci beaucoup). Les mots Frigo et Camion sont d’autres exemples d’emprunts. À cette différence près que les mots communs commencent toujours par une majuscule en luxembourgeois. Exactement comme en allemand.
D’autres mots luxembourgeois font fusionner racines romanes et germaniques. C’est le cas de Haatplat (« plat principal »), où l’on retrouve plat comme en français et Haat similaire à l’allemand Haupt pour principal. Un autre exemple est le mot Fussballsterrain pour terrain de football (Fußball en allemand). Notons ici que le luxembourgeois n’utilise pas l’eszett (ß) mais uniquement la notation -ss.
Et le français du Luxembourg ? Est-il identique à celui de l’Hexagone ? Dans l’ensemble, oui. L’allemand a cependant modifié quelques mots et structures. Un imperméable devient ainsi un manteau de pluie – sur le modèle de Regenmantel en allemand formé des mots Regen (pluie) et Mantel (manteau).
Le luxembourgeois : langue ou dialecte ?
Arrive maintenant cette question épineuse : le luxembourgeois est-il une langue ou un dialecte ? La recherche linguistique rattache le luxembourgeois, ou francique luxembourgeois, à la famille du moyen francique (Mittelfränkisch en allemand). On parle plus précisément de continuum dialectal avec d’autres variétés locales : francique mosellan, francique rhénan et francique ripuaire. Linguistiquement, le luxembourgeois est donc considéré comme un dialecte du moyen allemand. Le luxembourgeois est d’ailleurs plus proche de l’allemand standard que ne le sont certains dialectes de Bavière ou d’Autriche – eux non plus pas considérés comme des langues à part.
Si on a apparemment répondu à la question, la réalité est (encore une fois) plus complexe. En tant que langue officielle du Luxembourg, le luxembourgeois peut ainsi être perçu comme une langue. Finalement, la réponse dépend plus de perceptions politiques et sociales que de réalités linguistiques – comme souvent en matière de langues et dialectes.
Langues et travail au Luxembourg
À présent, intéressons-nous concrètement à la réalité du terrain. Quelle langue prévaut dans la sphère quotidienne et professionnelle au Luxembourg ? Dans de nombreux secteurs, en particulier l’hôtellerie et la restauration, le français continue de dominer les échanges. Notamment en raison des travailleurs transfrontaliers, venus de France et de Wallonie. Il faut ici distinguer le secteur public du secteur privé. Dans le premier, le luxembourgeois est beaucoup plus utilisé que dans le second. Le luxembourgeois est privilégié pour la communication informelle, par e-mail ou par téléphone par exemple. Mais pour les annonces officielles et les échanges administratifs et légaux, le français reste dans les faits la principale langue.
L’allemand n’arrive qu’en troisième position, suivi de l’anglais puis du portugais et de l’italien. Le pays compte en effet une importante population émigrée d’Europe du Sud. Dans le secteur bancaire et en finance, de par la diversité des nationalités et des langues maternelles, l’anglais tend de plus en plus à remplacer le français.
Dans tous les cas, le multilinguisme au Luxembourg ne rend pas la maîtrise du luxembourgeois indispensable pour les étrangers. Celle du français, de l’allemand ou de l’anglais suffit presque toujours pour communiquer au quotidien. Rares sont les salariés étrangers à utiliser le luxembourgeois comme première langue au travail. Même constat parmi ceux qui utilisent au moins deux langues de travail. Français-anglais ou français-allemand sont des combinaisons plus fréquentes que français-luxembourgeois.
Au début des années 2000, Jean-Claude Juncker, alors Premier ministre du Luxembourg, voulait promouvoir l’usage du luxembourgeois parmi les travailleurs étrangers pour faciliter leur intégration. Vingt ans plus tard, cette volonté est restée lettre morte. Langue nationale mais trop locale pour justifier l’effort d’apprentissage ? Quoi qu’il en soit, le luxembourgeois reste le plus beau et fier symbole du Grand-duché !