Sauter le pas
Il peut arriver qu’on redoute de se rendre dans tel ou tel pays, tant la langue locale nous semble radicalement différente de la nôtre et, par conséquent, la communication sur place impossible. Partir à la découverte d’une contrée étrangère, lorsqu’on ne maîtrise pas la langue qui y est parlée, peut décourager beaucoup de voyageurs potentiels. Le désir d’être compris par les locaux (et pour les globe-trotteurs ambitieux, si possible sans accent), la volonté d’être capable de communiquer dans la langue du pays si l’on se retrouve dans une situation délicate et, fondamentalement, l’angoisse de ne tout simplement pas pouvoir trouver son chemin, peuvent parfois influencer le choix de la destination finale. C’est ainsi qu’on en arrive parfois au point de préférer aller dans des endroits « sûrs », où l’on parle français ou n’importe quelle autre langue déjà apprise (anglais, espagnol…), au détriment de voyages plus aventureux.
Pour la vadrouilleuse invétérée que je suis, ces peurs constituent un obstacle à la quête d’expériences uniques et inoubliables qui m’anime. Or, ce sont précisément ces expériences qui parfois nous transforment, nous donnent un sentiment profond d’accomplissement personnel. Trop nombreux sont mes proches qui, par peur de ne pas être compris, ont tourné le dos à des aventures qui leur auraient permis de poursuivre de nouveaux rêves, auraient enrichi leur vision du monde et les auraient emplis d’une fougue qu’ils ne se connaissaient pas jusqu’alors.
Certes, je comprends leurs appréhensions : voyager nécessite une confiance en sa propre capacité à affronter l’inconnu. Cela exige de se mettre à nu et parfois, même, en position d’échec. Cela entraîne une certaine vulnérabilité, car nous sommes forcés d’accepter qu’en pénétrant une terre qui nous est étrangère, il nous devient impossible d’en anticiper toutes les variables ou de garder totalement le contrôle sur les événements ou le langage.
Dans mon cas, au contraire, c’est précisément ce saut dans l’inconnu qui me donne des ailes et me pousse à apprendre une langue avec encore plus d’assiduité.
Gagner sa liberté
D’abord, parce que c’est le gage ultime de la liberté : en effet, aucun autochtone n’attend d’un voyageur qu’il parle sa langue aussi aisément et couramment que lui. Ensuite, parce que, personnellement, je prends un plaisir incroyable à observer, écouter et apprendre une langue sur le terrain, en partant quasiment de zéro. C’est en prenant régulièrement part à des conversations sur place, dans des cafés locaux ou autres lieux typiques, que j’ai le plus appris et progressé. Enfin, parce que le statut de voyageur nous donne un avantage considérable lorsque l’on étudie une langue : si vous faites l’effort de vous adresser à eux dans leur langue maternelle, les gens seront naturellement plus enclins à vous aider et se montreront d’autant plus patients avec vous qu’ils mesureront votre enthousiasme et votre volonté d’apprendre.
« Parler une autre langue est un gage de liberté. »
Pendant mes études, j’ai vécu deux ans en Corée du Sud, à Séoul. Je peux affirmer en toute honnêteté que c’est précisément parce que je ne savais ni parler ni lire un mot de coréen, qu’un petit groupe d’habitants du coin m’a pris sous son aile lorsque je m’y suis installée. De cette époque, j’ai gardé des amitiés qui dureront toujours. Au fil du temps, alors que je faisais part aux autres étudiants coréens de mon enthousiasme pour leur langue et étudiais assidûment celle-ci, j’ai tissé des liens profonds et sincères avec de nombreuses personnes. Sans le savoir, et surtout, sans aucun réel effort de volonté de ma part, cette expérience m’a définitivement prouvé que je pouvais réaliser et surmonter l’impossible – ou, du moins, ce dont je ne me serais jamais crue capable auparavant.
Se surpasser
En deux ans, j’ai atteint un niveau de langue avancé, me permettant de travailler dans un environnement professionnel coréen. J’ai ainsi démontré que je pouvais me fixer des objectifs ambitieux, et disposais de la discipline nécessaire pour les atteindre dans le délai que je m’étais initialement imposé.
En outre, cela m’a permis de développer une méthode d’apprentissage à laquelle j’ai sans cesse recours lorsque je suis confrontée à une impasse. La beauté de l’apprentissage des langues étrangères réside dans le fait que, fondamentalement, la démarche nécessaire à leur maîtrise ne diffère pas tellement de la pensée analytique que les consultants appliquent pour résoudre des problèmes dans le monde des affaires. Ce que j’ai appris au cours de mes voyages, c’est que pour réussir à apprendre une langue, la meilleure approche consiste à commencer par l’acquisition de bases solides. Reste ensuite à compléter ces bases par l’assimilation de concepts utiles et applicables dans l’immédiat, afin de passer rapidement de la théorie à la pratique. L’essentiel consiste donc à repérer, puis à collecter tout ce qui est absolument nécessaire pour réussir à mener une conversation simple. Enfin, il est important de continuer sans tarder ou s’interrompre, et de rester constant dans ses efforts.
« Je savais désormais que je pouvais me fixer des objectifs ambitieux, et disposais de la discipline nécessaire pour les atteindre. »
En somme, j’ai conscience qu’apprendre une langue étrangère avant ou pendant un voyage nécessite un certain niveau d’application et de persévérance, que peu sont disposés à accomplir. Cependant, je ne saurais que vous encourager à sauter le pas : vous serez incroyablement surpris de voir à quel point cela se fait naturellement, mais surtout, quel immense plaisir l’apprentissage procure, une fois qu’on s’y est mis !