Les clichés sur les langues ont la vie dure. « L’anglais c’est facile ! », entend-on régulièrement. Finger in the nose! Une langue simpliste, pauvre même pour ceux qui la comparent à la complexité grammaticale du français ou de l’allemand. Qu’en est-il vraiment ? Pourquoi la langue de Shakespeare n’est-elle pas aussi simple qu’il n’y paraît ?
La « grammaire simpliste » de l’anglais
Si beaucoup trouvent l’anglais simpliste, c’est d’abord pour sa conjugaison. Prenons le verbe aller. En français, on a : je vais, tu vas, il/elle va, nous allons, vous allez, ils/elles vont. Et les caprices de la langue continuent au futur avec : j’irai, tu iras, il/elle ira, nous irons, vous irez, ils/elles iront ! En anglais, pas de prise de tête : I go, you go, he/she/it goes, we go, you go, they go. Et le futur se construit très simplement en intercalant will : I will go, you will go, etc. En conclusion, un -s à la troisième personne du singulier au présent et un will partout au futur. Et cela marche avec tous les verbes !
Par ailleurs, l’anglais est une langue sans genre ni accord particulier. Pas de féminin, ni de masculin et encore moins de neutre (contrairement à l’allemand ou au russe par exemple). Un petit garçon et une petite fille en français deviennent donc en anglais a little boy et a little girl.
Enfin, l’anglais comprend un grand nombre de mots monosyllabiques lorsque plusieurs syllabes sont nécessaires dans d’autres langues. Manger eat, penser think, apporter bring, laisser let, dormir sleep, nager swim, courir run… Court et efficace ! Faites le test vous-mêmes, cela fonctionne pour un grand nombre de verbes et d’adjectifs.
Une langue globale simpliste ?
Pour certains, le statut incontesté de langue globale de l’anglais serait dû à sa simplicité. Aucune langue ne serait plus simple à apprendre. Le pouvoir culturel de l’anglais, autrement dit son soft power, est tellement puissant qu’on en est convaincus. Entre chansons, séries et films, difficile d’échapper à son aire d’influence. L’anglais est partout… mais souvent sous une forme simplifiée !
Les linguistes lui ont même trouvé un nom : le globish. Ce sont ces quelques mots baragouinés d’anglais qui permettent de s’en sortir dans la plupart des situations, que ce soit en vacances ou en déplacement professionnel. Ce n’est donc pas la langue anglaise en soi qui est facile. Ce qui est facile, c’est de croire qu’on parle anglais !
De plus, apprendre l’anglais est plus simple pour un Norvégien que pour un Kazakh. Le degré d’éloignement avec la langue maternelle est à prendre en compte. L’anglais est une langue indo-européenne (au même titre que le français, le polonais ou le portugais par exemple) qui fait plus précisément partie de la famille des langues germaniques avec entre autres l’allemand, le néerlandais et le norvégien.
En Scandinavie, le taux de maîtrise de l’anglais frôle ainsi souvent les 100 %. Ce qui est loin d’être le cas à Astana, capitale du Kazakhstan. Le constat se base sur la langue maternelle mais aussi sur le rapport historique à l’anglais. Ainsi, au Kazakhstan, ex-pays d’URSS, on préférerait voir le russe devenir langue internationale. Ou même le turc, langue de la même famille que le kazakh. On vous dira peut-être que le russe est simpliste comparé à l’anglais. Qui a raison ? Ce n’est qu’une question de point de vue et d’habitude.
Le pire de la langue de Shakespeare
Les difficultés de l’anglais sont trop souvent sous-estimées. Ainsi, les verbes irréguliers sont nombreux. Les tableaux à apprendre par cœur n’ont-ils pas donné des cauchemars à tous les collégiens ? Et que dire des pluriels des noms ? Suffit-il toujours d’ajouter un -s ? Encore, il y a des exceptions. Pourquoi le mot louse (pou) donne-t-il lice au pluriel quand house (une maison) donne houses ? L’anglais, toujours aussi simpliste ?
Et la langue peut devenir encore plus subtile. Le français comporte de nombreuses expressions imagées comme « prendre ses jambes à son cou », « avoir l’estomac dans les talons » ou encore « tomber dans les pommes ». Il ne suffit pas de connaître le sens isolé des mots pour comprendre ces expressions. Ce sont des expressions idiomatiques et il en existe également beaucoup en anglais : it rains cats and dogs (il pleut des cordes, littéralement ici : des chiens et des chats) ou stop pulling my leg! (arrête de m’embêter, littéralement ici : de tirer ma jambe). Plus encore, les anglophones raffolent des particules qu’ils associent aux verbes pour former des phrasal verbs. Look at signifie regarder, look for chercher, look after s’occuper de, look up admirer et look down mépriser. De même, take up, take off, take on et take over signifient respectivement relever (un défi), décoller, assumer et prendre la relève. On en perdrait presque son latin !
Pour finir en beauté, la prononciation ! Les Français ne sont pas les seuls à lutter avec les th (to think ou to sink?) ou la longueur des « i » (ship ou sheep ?). Essayez de faire la différence à l’oral entre right, write et white. La prononciation de la langue anglaise ne suit à première vue aucune règle logique : si cough, through et though ont la même terminaison, alors pourquoi ces mots ne riment-ils pas ?
« If you talk to a man in a language he understands, that goes to his head. If you talk to him in his own language, that goes to his heart. »
Comme toute langue, l’anglais dispose donc de ses propres règles et structures et demande les mêmes efforts d’apprentissage. S’il est faux de trouver l’anglais simpliste, il l’est tout autant de croire que parler anglais suffit pour communiquer à l’étranger. Croire qu’apprendre d’autres langues que l’anglais serait une perte de temps est un cliché certes moins répandu, mais tout aussi ravageur. Comme le disait Nelson Mandela : « Si vous parlez à un homme dans une langue qu’il comprend, cela va dans sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, cela va dans son cœur. »