Les 5 conseils de Luca Lampariello, coach en langues étrangères

La mémoire est une matière vivante qu’il faut apprendre à utiliser. Voici les meilleurs conseils de Luca Lampariello, un expert des langues étrangères, pour apprendre du vocabulaire.

Luca Lampariello est italien, il parle plus de dix langues différentes, et il est coach en langues étrangères. Lorsque nous avons eu la chance de le rencontrer, nous en avons profité pour discuter avec lui de sa méthode d’apprentissage des langues. Voici les réponses de Luca Lampariello, qui a bien voulu nous révéler quelques-uns de ses meilleurs conseils pour apprendre facilement une nouvelle langue. 

Babbel Magazine : Peut-on vraiment apprendre une langue étrangère à l’âge adulte ? N’est-ce pas trop difficile à gérer quand on a un emploi du temps chargé, des responsabilités, une famille… ?

Lucas Lampariello : On dit souvent que les enfants ont plus de facilité à apprendre des langues étrangères ; de nombreuses plateformes se servent de ce constat pour promouvoir l’idée que même à l’âge adulte, apprendre une langue étrangère est un jeu d’enfant.

Ce genre de formulation sous-entend que les enfants apprennent de façon intuitive et avec un minimum d’effort conscient. La promesse est évidemment tentante pour tous ceux qui débutent dans l’apprentissage d’une nouvelle langue. Mais est-il vraiment souhaitable d’apprendre comme un enfant ?

On aurait tort de sous-estimer la capacité des adultes. Alors qu’un enfant a besoin d’environ six ans pour maîtriser pleinement l’usage d’une autre langue (sans inclure le vocabulaire plus élaboré que peut posséder un adulte), en seulement un an, un adulte peut atteindre un niveau avancé de compétence en communication.

L’adulte a en effet la possibilité d’utiliser à la fois des aptitudes explicites (conscientes) et tacites (inconscientes) dans son apprentissage. Cela peut sembler ambitieux et pourtant, j’en suis la preuve vivante. Je parle aujourd’hui treize langues à un niveau intermédiaire ou avancé, que j’ai pour la plupart apprises à l’âge adulte. La clé de la réussite a été pour moi de savoir comment combiner ces compétences tacites, essentielles dans l’apprentissage de l’enfant, avec l’acquisition consciente de nouvelles connaissances, plutôt spécifique à l’adulte.

Babbel Magazine : Concrètement, comment fait-on pour apprendre une langue quand on est adulte ? N’est-ce pas plus difficile de retenir de nouveaux mots, par exemple ?

Luca Lampariello : Concernant l’apprentissage de mots nouveaux, il existe cinq règles fondamentales qui illustrent parfaitement la manière dont on peut combiner ces deux façons d’apprendre afin d’en tirer le meilleur. Pour ma part, je les applique rigoureusement à chaque fois que je m’attaque à une nouvelle langue, au point d’avoir développé une véritable charte qui suit cinq principes que voici.

La charte d’apprentissage des langues, par Luca Lampariello :

  1. Sélectionner
  2. Associer
  3. Réviser
  4. Stocker
  5. Réutiliser

1. LE PRINCIPE DE SÉLECTION : savoir distinguer le nécessaire

Lorsqu’on découvre du lexique, il faut en premier lieu faire le tri entre ce dont on a besoin dans l’immédiat et ce qui n’est pas nécessaire tout de suite. Chaque langue compte des centaines de milliers de mots, dont une grande majorité n’est pas essentielle tant qu’on n’a pas atteint un niveau avancé. La capacité à supprimer les « bruits de fond » est l’une des plus sous-estimées par ceux qui débutent l’apprentissage d’une nouvelle langue.

La plupart des manuels consacrent des pages entières à des thèmes allant du shopping au voyage, en passant par les animaux du zoo et la majorité d’entre nous aura tendance à consacrer autant de temps à chacun, considérant ceci comme faisant partie du processus. En réalité, cela revient un peu à lire le journal de la première à la dernière page alors qu’en fait, seule la section sport nous intéresse.

Faites de votre mieux pour éviter cette erreur. Choisissez en priorité les mots qui vous semblent objectivement les plus utiles, puis étendez ensuite la liste de votre vocabulaire en fonction de vos propres centres d’intérêt. Un rappel utile pour vous rassurer : en règle générale, les 3000 mots les plus fréquents dans une langue couvrent 90 % du discours quotidien de quelqu’un dont c’est la langue maternelle.

Bien entendu, un locuteur natif possède un vocabulaire bien plus riche. Cependant, la plupart des mots s’apprennent grâce à l’expérience, lorsqu’on est confronté à une situation particulière. Pendant l’enfance, on se concentre avant tout sur des termes qui sont soit liés à nos intérêts personnels, soit utiles dans la vie de tous les jours. Le reste vient plus tard, lorsqu’on commence à développer des connaissances et une curiosité plus pointues. Et même alors, on ne maîtrise qu’une infime partie de la totalité du vocabulaire de sa langue maternelle. L’anglais, par exemple, possède plus d’un million de mots ! Or on estime que seuls 170 000 environ sont couramment employés. Qui a vraiment besoin de connaître un million de mots ?!

Concentrez-vous plutôt sur le vocabulaire dont vous avez besoin et qui est « universellement » utile, c’est-à-dire directement utile pour communiquer. C’est ce que j’appelle la maîtrise de base, qui concerne des termes liés à la vie quotidienne, fréquemment employés dans n’importe quelle conversation. Quelques exemples de mots à connaître inévitablement : les verbes aller, marcher, dormir, vouloir et les noms communs nom, maison, voiture, ville, main, lit.

Une fois que l’on connaît ces 3000 mots de base, la mémorisation de termes plus rares représente un nouveau défi. Passée cette étape, la plupart des gens ont en effet le sentiment de stagner. C’est ce qu’on appelle le palier d’apprentissage des langues. On a l’impression de ne plus avancer, de ne plus faire aucun progrès – et le pire, c’est qu’on ne comprend pas pourquoi.

La raison principale est que, à mesure qu’on progresse dans l’apprentissage du vocabulaire, le contingent de mots utiles au quotidien diminue. On est donc confronté à un vocabulaire moins courant et, en toute logique, les occasions de le mémoriser se raréfient. À ce stade, pour continuer à sentir qu’on progresse, il est important de se concentrer sur des mots qui nous concernent directement, liés à la vie domestique, à l’activité professionnelle et à ses intérêts personnels, et qui sont à la base de ce que j’appelle la « maîtrise personnelle », seconde étape venant après la maîtrise de base.

Imaginons que vous soyez biologistes. Il vous sera certainement utile d’apprendre des mots tels que gène, cellule, synapse ou squelette. Un historien, lui, se penchera plutôt sur les mots guerre, monarchie, société ou commerce. Les mots intéressants sont un allié essentiel pour combattre les défaillances de la mémoire. En vous concentrant sur ceux qui vous concernent directement, vous réduirez le risque de les oublier sur le long terme. À partir de là, vous pourrez accroître vos connaissances sémantiques de manière progressive, structurée et stimulante.

2. LE PRINCIPE D’ASSOCIATION : créer un contexte

Identifier des mots utiles est certainement une des clés de l’apprentissage des langues. Mais attention : si vous les apprenez hors de tout contexte, vous aurez du mal à les réutiliser correctement lorsque vous voudrez mettre en pratique vos connaissances. La solution afin de justement recréer ce contexte est le « principe d’association ».

L’association correspond au processus selon lequel chaque nouveauté est connectée à une information préexistante. Un élément nouveau peut entretenir une multitude de liens avec la mémoire, les émotions, des expériences sensibles ou des faits enfouis dans l’inconscient. Notre cerveau effectue cette connexion de manière naturelle et inconsciente, et c’est justement en prenant conscience de ce processus qu’on peut apprendre à le contrôler.

Reprenons les mots cités plus haut en exemple : gène, cellule, synapse et squelette. Si on les apprend isolément, il est probable qu’on les oublie très rapidement. Par contre, si on les insère dans un contexte plus large, ne serait-ce que dans une phrase, on décuple les chances que ces termes se retrouvent interconnectés dans notre cerveau.

Un exemple :

« Les gènes affectent le développement d’éléments aussi divers que le squelette, le cerveau, les synapses et même les cellules individuelles »

Dans cette phrase, les quatre termes sont reliés les uns aux autres comme les pièces d’un puzzle. D’un côté, la phrase contient plus d’éléments ; d’un autre côté, seuls quatre sont inconnus. Or, il est plus simple de retenir la phrase entière plutôt que chacun des quatre mots pris séparément. De plus, la démarche de construire cette phrase fait partie intégrante du processus de mémorisation et le consolide. On peut aussi effectuer ce type d’exercices avec des termes qui semblent a priori n’avoir rien en commun.

Autre exemple :

serpent, tableau, dîner, tombe, galet

À première vue, compliqué de rassembler ces mots dans un énoncé cohérent. Mais avec la pratique, cela devient faisable. Cet exercice assez simple est un excellent moyen d’améliorer son niveau à l’oral, mais aussi, plus généralement, de développer sa faculté d’association ainsi que son imagination.

Attention cependant à procéder de manière progressive, en s’entraînant d’abord sur des mots ayant un lien évident entre eux (comme dans le premier exemple) avant de s’attaquer à des associations demandant plus de recherche. C’est en forgeant qu’on devient forgeron !

3. LE PRINCIPE DE RÉVISION : la courbe de l’oubli

Il y a plus d’un siècle, un psychiatre allemand, Ebbinghaus, a découvert que le cerveau humain tend à oublier les informations selon un schéma précis qu’il décrit comme « la courbe de l’oubli ». Selon ce schéma, lorsqu’on intègre une nouvelle information, on s’en souvient parfaitement bien pendant une courte période. Cependant ce souvenir se détériore rapidement ensuite, en l’espace de quelques jours.

Ebbinghaus n’a toutefois pas seulement découvert ce mécanisme. Il a aussi compris comment le combattre. En révisant l’information à intervalles réguliers, les risques que celle-ci s’efface de la mémoire s’amenuisent. Autrement dit, il devient de plus en plus difficile d’oublier. Au bout d’un certain nombre de révisions, l‘information se fraye un chemin vers la mémoire à long terme et a ainsi plus de chance d’y rester définitivement.

Sans entrer dans les détails du fonctionnement de la courbe de l’oubli, on peut en tirer la conclusion suivante : en parallèle de nouvelles informations que l’on est en train d’apprendre, il est essentiel de continuer à réviser ce que l’on sait déjà de façon constante et régulière.

4. LE PRINCIPE DU STOCKAGE : l’importance du support matériel

« Verba volant sed scripta manent », comme l’affirmaient les Romains. Comprenez : « Les paroles s’envolent, les écrits restent ». Si l’on veut se souvenir d’une information, il faut commencer par enregistrer celle-ci sur un support permanent (ou au moins semi-permanent).

Dans la pratique, cela implique que chaque mot nouvellement appris sera noté quelque part de façon à ce que l’on puisse ultérieurement en retrouver la trace. Chaque fois que vous découvrez un mot ou une expression nouvelle et utile (par exemple au cours d’une conversation, en regardant un film ou en lisant un livre), assurez-vous d’en prendre note, soit dans un carnet de vocabulaire que vous gardez toujours sur vous, soit dans votre téléphone. De cette manière, vous pourrez y revenir à n’importe quel moment.

5. LE PRINCIPE DE RÉUTILISATION : se servir de ses connaissances

Le dernier principe de cette « charte » dédiée à l’apprentissage du vocabulaire concerne l’usage des mots appris. Ceux-ci doivent en effet être utilisés dès que l’occasion se présente, par exemple lors d’une conversation.

Les chercheurs Victor Boucher et Alexis Lafleur de l’Université de Montréal ont découvert que répéter des mots à voix haute à quelqu’un permet de les mémoriser beaucoup plus efficacement que quand on se les répète à soi-même. Ceci confirme scientifiquement que plus on mobilise activement ses connaissances par le biais de contacts avec d’autres personnes, plus la mémoire linguistique et l’aisance à l’oral s’améliorent.

Faire systématiquement l’effort de mettre en pratique vos connaissances avec une personne en chair et en os contribuera à votre apprentissage de multiples manières. Vous pourrez ainsi mettre à l’épreuve ce que vous avez acquis et intégrer du nouveau vocabulaire en parallèle afin de gagner toujours plus d’aisance sur le long terme.

Un exemple : imaginez que vous lisez un article sur un sujet qui vous passionne ; vous repérez quelques mots inconnus et en cherchez la traduction. Quelques jours plus tard, vous discutez avec quelqu’un (votre tandem de langue, par exemple) et souhaitez lui raconter le contenu de l’article en vous basant sur les quelques mots-clés que vous avez choisis et révisés. Vous serez surpris de constater que ces mots se seront durablement imprimés dans votre mémoire suite à cette simple conversation.

Les conclusions de Luca Lampariello :

Au contraire de ce que laisse parfois penser l’apprentissage scolaire, les langues étrangères ne sont pas un objet d’étude qu’on découvre uniquement à travers les livres et les manuels. Le langage est un phénomène humain complexe qui peut être apprivoisé et intériorisé par le biais de processus d’apprentissage à la fois conscients et inconscients.

Ce constat est particulièrement vrai en ce qui concerne l’acquisition du vocabulaire – or, chacun d’entre nous possède un énorme réservoir de ressources dans lequel puiser. Vous avez désormais les outils en main pour enrichir durablement votre lexique. Il suffit de suivre ces cinq principes :

 

  • Choisir les termes que vous devez/désirez apprendre
  • Les associer à ce que vous savez déjà
  • Les réviser jusqu’à ce qu’ils s’imprègnent dans la mémoire à long terme
  • Les enregistrer de façon à ce qu’ils ne soient jamais perdus
  • Les utiliser dans un but communicationnel et dans un cadre naturel

 

C’est en appliquant ces principes à la lettre que j’ai pu, à l’âge adulte, acquérir un niveau avancé dans onze langues différentes. Rien ne vous empêche d’en faire autant ! Grâce à ces cinq conseils, vous devriez pouvoir orienter efficacement vos efforts pour de meilleurs résultats, et booster ainsi votre apprentissage plus que vous n’auriez jamais pu l’imaginer.

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