À l’instar de la liste des artistes de la chanson québécoise, j’ai dû me résoudre à faire des choix dans cet article. Je souhaitais donner une place importante à la grande littérature, sans pour autant négliger la littérature populaire. Voilà pourquoi nous retrouverons aussi bien dans cette liste des plus grands auteurs québécois des récits sur l’exil, la famille, mais aussi des romans historiques… et même quelques polars ! Voici, selon moi, la liste des 5 auteurs québécois, tous contemporains, qu’il faut avoir lus au moins une fois dans sa vie.
📖Dany Laferrière
S’il se distingue des autres auteurs québécois par son entrée à l’Académie française en 2013, Dany Laferrière avait auparavant commencé sa carrière à la radio et à la presse. Après l’assassinat de son ami Gasner Raymond, il quitte son pays natal, Haïti, pour s’installer à Montréal en 1976. En 1985, son premier roman Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer remporte un succès commercial inespéré avec « l’histoire d’un immigrant noir peu argenté qui est attiré par les femmes blanches ».
Par la suite, pendant son séjour à Miami dans les années 1990, il a rédigé son cycle haïtien, incluant entre autres L’Odeur du café (1991). En 2000, de retour à Montréal, il repense son œuvre pour en faire une seule « autobiographie américaine » : « Sous la forme de romans et d’essais, la tension de l’imaginaire qui portait l’exilé s’y trouve remise en perspective, entre aspiration nostalgique du cycle haïtien et contamination urbaine du cycle nord-américain. » Si on retrouve la question de l’identité et de l’exil dans plusieurs de ses romans, Laferrière croit cependant qu’on abuse du mot « exil » :
« Bien sûr quand on a passé 40 ans hors de son pays, des vagues d’émotion peuvent nous submerger. Toutefois, l’exil du temps est beaucoup plus terrible que l’exil géographique par exemple, car on ne peut pas retourner dans le passé. Ceux qui n’ont jamais voyagé aussi vivent un grand exil : l’exil du reste du monde. »
📖Michel Tremblay
Originaire d’un quartier populaire de l’est de Montréal, Michel Tremblay s’inspire sans cesse de son enfance. Pour paraphraser le récipiendaire faisant suite à l’obtention du prix Athanase-David en 1988, « [son univers] plonge ses racines dans le Montréal profond, prolétaire, où s’agitent une centaine de personnages attachants, plus grands que nature, dont certains deviendront des archétypes du Québec littéraire moderne : la Grosse Femme, la Duchesse de Langeais, Marcel, Pierrette, Albertine… »
La Grosse Femme est d’ailleurs le personnage central du premier tome des Chroniques du Plateau-Mont-Royal, publié en 1978. Décrit comme l’histoire d’une famille et d’un quartier, il s’agit également « d’une sorte d’étude d’un microcosme social servi par une galerie de portraits complexes et variés. » On y retrouve la Grosse Femme, représentant l’archétype de la mère; Albertine, dégoûtée par le mariage et la maternité; mais aussi les mystérieuses tricoteuses, « rappelant les trois Parques et ajoutant au roman une touche fantastique. »
Les femmes occupent une place importante dans l’univers de cet auteur québécois. On y retrouve également le joual, une langue populaire dont nous avons brièvement retracé l’histoire dans un autre article. En 2017, l’œuvre complète de Michel Tremblay est récompensée par le prix Gilles-Corbeil. Ce prix, presque considéré comme le Nobel des auteurs québécois, souligne une œuvre francophone d’un écrivain canadien ou américain. En 2008, il a été remis à Jacques Poulin… dont nous allons parler dans un court instant.
📖Jacques Poulin
Artiste discret parmi les auteurs québécois, Jacques Poulin possède un style considéré comme minimaliste : « Adjectifs, adverbes, inversions inutiles, sentiments trop extravertis sont éliminés au profit de l’émotion sobre qui occupe l’espace et enveloppe autant les personnages que les lecteurs qui vont à leur rencontre. » Ses héros (souvent écrivains, traducteurs ou bibliothécaires) vivent des aventures simples, mais aux sujets complexes.
À titre d’exemple, dans Volkswagen blues (1984), on suit les péripéties de Jack Waterman, écrivain, à la recherche de son frère Théo. Dans cette aventure à travers l’Amérique, de Gaspé jusqu’à San Francisco, il sera accompagné de la Grande Sauterelle, une jeune métisse. Un voyage plus révélateur qu’il n’y paraît :
« Tout au long de ce voyage, l’histoire des États-Unis est retracée avec ce qu’elle comporte de violence et de douleur. Prenant la forme d’une grande escapade initiatique, ce roman met en scène des personnages aspirant à la paix et à la liberté. L’ouvrage propose une réflexion sur l’histoire et la société américaines, mais aussi sur le rapport aux livres et à l’écriture. »
Waterman, considéré comme l’alter ego de l’auteur, vivra d’autres aventures dans les livres suivants. Le plus récent d’entre eux, Un juke-box dans la tête (2015), est consacré à sa rencontre avec Mélodie, une jeune admiratrice.
📖Chrystine Brouillet
Un autre personnage marquant de la littérature québécoise est Maud Graham, personnage récurrent de l’univers de Chrystine Brouillet. Depuis sa première apparition dans Le poison dans l’eau (1987), Graham permet à son auteure d’explorer des sujets qui la fascinent : meurtres en série, pédophilie, inceste, syndrome de Münchhausen par procuration… Ce dernier, qu’on retrouve dans Soins intensifs (2000), est un « trouble psychologique méconnu qui incite les personnes qui en sont atteintes – le plus souvent des femmes – à inventer ou à provoquer artificiellement des maladies chez leur enfant dans le but d’établir un contact avec le milieu médical. »
Avec plus de 700 000 exemplaires vendus des enquêtes de Maud Graham, Chrystine Brouillet fait partie du cercle fermé des auteurs québécois à succès. Passionnée par la nourriture, elle est également chroniqueuse littéraire et gastronomique. On retrouve même des recettes dans son plus récent roman, Chambre 1002 (2018)! Parmi plus d’une cinquantaine de romans à son actif, des polars bien sûr, mais aussi de la littérature jeunesse ainsi qu’une saga historique, Marie Laflamme.
📖Louise Tremblay d’Essiambre
De nombreux auteurs québécois se sont essayés aux romans à caractère historique : Michel David, Suzanne Aubry, Michel Langlois… Cependant, avec plus de deux millions d’exemplaires et quarante-cinq livres publiés, Louise Tremblay d’Essiambre est l’une des plus populaires. Dix ans après la parution de son premier roman, Le Tournesol, sa carrière littéraire s’amorcera en 1994 avec Entre l’eau douce et la mer. Grâce à un style intense et sensible, Tremblay d’Essiambre aborde des sujets délicats qu’affectionne particulièrement son lectorat :
« [Elle] s’est toujours intéressée à des thèmes proches du quotidien et des destins humains qui portent à la réflexion et tirent des leçons : enfant handicapé, monoparentalité, deuil, maladie incurable, isolement social, etc. C’est ce qui fait sans doute que ses lecteurs lui sont si attachés de même qu’à ses personnages, ils sont pris eux aussi de compassion. »
Son plus récent roman Éléonore, une femme de cœur (2018) raconte l’amitié naissante entre Éléonore Légaré, la cuisinière du manoir des O’Gallagher, et Marion Coutrier, une jeune fille de treize ans venant travailler pour la riche famille. Or, tout comme Chrystine Brouillet, Louise Tremblay d’Essiambre est une artiste polymorphe. En effet, elle illustre elle-même la plupart des couvertures de ses romans!
N’oubliez pas que les livres permettent de voyager, dans le monde ou dans le temps. Nous espérons que cette modeste liste d’auteurs québécois vous donnera le goût d’en découvrir d’autres. Bonne lecture!