Prendre un verre et profiter de l’effet de l’alcool pour bien parler anglais, espagnol, ou n’importe quelle autre langue ? Si vous avez plus de 18 ans et que vous avez déjà appris une langue étrangère, vous en avez probablement déjà fait l’expérience. Voir ses compétences orales s’améliorer après le premier demi a quelque chose de grisant, c’est vrai. Du moins en apparence ! Comme par magie, les mots vous viennent plus rapidement à l’esprit ; les phrases s’assemblent et s’enchaînent toutes seules, et nous sommes en mesure d’avoir une conversation que nous aurions du mal à maintenir en étant complètement sobres. Mais alors que se passe-t-il vraiment ? L’effet de l’alcool permet-il vraiment de mieux parler une langue étrangère ?
Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, des chercheurs se sont très sérieusement posé la question. Surprise ! Les résultats sont équivoques : l’effet de l’alcool permettrait vraiment de mieux parler une langue étrangère ! Intrigués par les conclusions de ces études, nous avons décidé d’en avoir le cœur net : nous avons donc mené notre propre enquête.
De l’effet de l’alcool sur le cerveau
Nous disposons aujourd’hui de nombreuses données concernant l’effet de l’alcool sur notre cerveau. De l’avis général, boire un petit coup aurait plutôt tendance à altérer nos possibilités cérébrales qu’à les améliorer. Cette affirmation se base sur deux constats unanimes. D’une part, consommer de l’alcool influe sur notre façon de parler, y compris dans notre langue maternelle : lorsque nous buvons de l’alcool, nous sommes moins cohérents tandis que notre langue – l’organe – aura tendance à fourcher. D’autre part, l’alcool a un effet négatif sur nos fonctions exécutives, en particulier celles qui permettent aux bilingues de jongler entre les deux langues.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces données scientifiques contrastent fortement avec le ressenti de nombreux apprenants adultes. Comment expliquer le fait que nous avons l’impression d’être fluent en anglais après avoir bu quelques verres ? Eh bien tout simplement parce que notre perception nous joue des tours !
En effet, l’ébriété altère nos sens et nos souvenirs. Nous avons donc alors tendance à surestimer nos compétences, sans que pour autant nos performances ne s’améliorent réellement. Et si le principal effet de l’alcool était tout simplement de rendre les consommateurs un peu trop sûrs d’eux-mêmes ? C’est la question posée par les scientifiques.
Langues, alcool et sciences dures
Pour mener cette étude, les chercheurs ont d’abord sélectionné les participants parmi les étudiants allemands inscrits en cours de néerlandais à l’Université de Maastricht (P-B). Les chercheurs ont ensuite servi une boisson alcoolisée à la moitié des participants, et de l’eau à l’autre moitié d’entre eux. Une fois les boissons ingurgitées, les étudiants ont alors dû s’exprimer à l’oral sur un sujet donné, pendant deux minutes. Leurs réponses ont été enregistrées, puis leurs compétences linguistiques évaluées par des Néerlandais de langue maternelle.
Les conclusions de cette expérience ? Le groupe ayant consommé de l’alcool était plus performant que le groupe « sobre », et ce quel que soit le domaine : prononciation, grammaire, vocabulaire, argumentation… Mieux encore, les performances phonologiques du groupe soumis aux effets de l’alcool se sont avérées statistiquement significatives (c’est-à-dire non attribuables au hasard) par rapport à celles du groupe de contrôle ! Autrement dit : la prononciation dans une langue étrangère s’améliorerait bel et bien après un verre ou deux.
Mais alors, comment expliquer l’effet mélioratif de l’alcool sur les performances en langues étrangères ? Parmi les hypothèses privilégiées par les scientifiques : la réduction de l’anxiété linguistique, étant admis que l’alcool aide à diminuer l’anxiété et encourage la désinhibition.
Effet de l’alcool et langues étrangères : notre étude de cas
Tester l’effet de l’alcool sur l’apprentissage des langues étrangères dans un environnement contrôlé est une bonne idée. Mais qu’en est-il de la vraie vie ? Chez Babbel, nous avons décidé de réaliser notre propre étude de cas (très peu scientifique, avouons-le !) afin d’explorer les liens entre l’alcool et l’apprentissage des langues étrangères.
Nous avons donc sélectionné trois sujets, tous d’un niveau moyen en allemand, à qui nous avons offert… quelques verres. Après la première tournée, nous constatons que nos volontaires, encore sobres, peuvent toujours s’exprimer, avec les difficultés habituelles. Ce n’est qu’une fois la deuxième tournée entamée que nous avons constaté que le ton de nos sujets devenait plus décontracté, mais qu’ils faisaient également plus d’erreurs que d’habitude. C’est donc sans aucune légitimité scientifique que nous confirmons la thèse selon laquelle l’alcool nuit au fonctionnement correct des fonctions exécutives et, par conséquent, à la sélection correcte des mots. La dernière tournée nous confirme d’ailleurs cette hypothèse : les erreurs de nos participants se multiplient, tandis que l’effet de l’alcool semble gêner de plus en plus nos cobayes.
Nos conlu…cloncus…coculsi…conclusions
Bien que la consommation d’alcool ait clairement un impact sur les performances en langues étrangères, ses effets positifs sont plutôt… limités. S’il peut être amusant de mettre de temps en temps à l’épreuve ses compétences linguistiques dans un bar (car on y apprend effectivement à tenir de vraies conversations avec de vrais gens), vous n’avez pas grand-chose à gagner en choisissant cette méthode : vous n’apprendrez jamais aussi bien que lorsque vous êtes en pleine possession de vos capacités ! La pratique régulière et le fait d’accepter que les erreurs fassent partie du processus d’apprentissage sont des approches bien plus saines et efficaces pour surmonter l’anxiété linguistique. Et ça vous donnera en plus un excellent prétexte de fêter ça !