De la langue bretonne au gallois : une brève introduction aux langues brittoniques

Dernière partie de notre dossier sur les langues celtiques : nous partons à la découverte des langues brittoniques… dont le breton fait partie !
Dernière partie de notre dossier sur les langues celtiques : nous partons à la découverte de la langue bretonne et des langues brittoniques !

Dans notre précédent article, nous avons dessiné un rapide contour de ce qu’on appelle les « langues gaéliques », que l’on parle encore en Irlande et en Écosse. Intéressons-nous donc maintenant à l’autre branche des langues celtiques : les langues dites brittoniques – dont la langue bretonne et la langue galloise que l’on parle principalement… en Bretagne et au pays de Galles. C’est parti !

Les origines des langues brittoniques

La branche brittonique est donc la deuxième grande branche de la famille des langues celtiques. On parle soit de langues brittoniques, soit parfois de langues kymriques ou cymriques. Cette dernière appellation vient du nom du peuple gallois, kymri, ou cymri.

A priori les branches gaéliques et brittoniques se seraient séparées avant l’an 600, date à laquelle on trouve les premiers textes de chacune de ces langues. Le gaélique, lui, s’est davantage éloigné de la souche commune que sont les langues proto-indo-européennes. Leurs différences sont particulièrement marquées au niveau de certaines prononciations mais aussi des règles de grammaire.

Les brittophones étaient à l’origine installés en Écosse méridionale, dans le nord et l’ouest de l’Angleterre et sur l’île de Man. On les trouvait également dans le nord et l’ouest de la Gaule, dont en Armorique, à partir du Ve siècle. Mais différentes invasions vinrent alors diminuer l’étendue de la langue brittonique :

–  d’un côté, les invasions des Gaëls et surtout des Anglo-Saxons, repoussant les locuteurs brittoniques aux extrémités occidentale et méridionale de l’île britannique,

– de l’autre, les conquêtes romaines puis les conquêtes des Francs ont repoussé les locuteurs en Armorique, actuelle région de Bretagne.

De fait, les trois langues brittoniques majeures sont le cornique, le gallois et le breton, respectivement parlées en Cornouailles, au pays de Galles et en Bretagne.

Le gallois – cymraeg

Le dragon est l'emblême du Pays de Galles et du gallois
Le dragon est l’emblème du pays de Galles et du gallois

Le gallois, ou cymraeg en gallois, est l’une des plus anciennes langues d’Europe puisqu’elle était déjà parlée au VIe siècle, sous une forme un peu différente du gallois moderne, qui est apparu au XVIe siècle. On a retracé l’évolution de la langue galloise grâce aux transformations phonétiques (subies surtout par les consonnes) qu’elle a connues à travers le temps. Ainsi, on divise l’histoire du gallois en trois grandes périodes :

  • l’ancien gallois du VIIIe au Xe siècle
  • le moyen gallois du Xe au XVIe siècle
  • le gallois moderne de la Réforme à nos jours

Au VIe siècle, les Celtes de l’île de Grande-Bretagne fuient l’invasion anglo-saxonne et se réfugient dans les montagnes galloises. Ils conservèrent leur indépendance vis-à-vis des conquérants saxons pendant quelque temps, ce qui permit à la langue galloise de prospérer. À cette époque, les actes officiels et la littérature sont écrits en gallois, langue également parlée par la noblesse galloise.

Les Anglo-Saxons avaient l’habitude d’appeler les Gallois des wealhas, autrement dit des étrangers, terme dont est dérivé le nom welsh (« gallois » en anglais). Mais en 1282, la conquête du pays de Galles par le roi Édouard Ier se termine par sa victoire, et le pays de Galles est annexé par l’Angleterre. Ici, comme ailleurs, l’histoire n’est pas différente : le nombre de locuteurs du gallois commence alors à décliner.

Pour contrer ce déclin face à l’anglais, devenu langue administrative et religieuse, un évêque, William Morgan, décide de traduire la Bible en gallois. Cela donna un vrai regain d’énergie à la langue galloise, alors encore fortement parlée. Mais les autorités y virent une forme de patriotisme gallois hors de leur contrôle, et décidèrent d’intervenir énergiquement pour faire disparaître le gallois, déclaré source du « nationalisme indigène ». Elles mirent alors en place une politique d’enseignement obligatoire de l’anglais, dans le but d’assimiler entièrement et définitivement la société galloise. La langue galloise fut donc interdite dans les écoles et, pendant de nombreuses générations, lorsqu’un enfant était surpris à parler gallois, il était systématiquement puni et humilié.

Le patriotisme gallois réapparut au début du XXe siècle, et peu à peu, redonna de la place au gallois grâce aux différentes actions politiques. Plusieurs lois sont passées, imposant notamment l’égalité du gallois et de l’anglais dans tous les domaines de la vie publique au pays de Galles (en 1993, avec lala Deddf Iaith Gymraeg « loi sur la langue galloise »), mais imposant aussi le bilinguisme à l’école (en 1971 puis en 1988 avec l’Education Reform Act). Depuis, l’administration du pays de Galles est devenue bilingue, le programme d’enseignement également.  

Toutes ces mesures de revitalisation linguistique adoptées par le pays de Galles ont permis de freiner le déclin de cette langue, et notamment de lui donner un nouvel élan au sein des jeunes générations. Aujourd’hui, la langue galloise reste la langue celtique la plus parlée : le recensement de 2011 dénombre 562 000 galloisants, parmi lesquels 300 000 déclarent le parler couramment.

La poésie galloise

Les premiers écrits en langue galloise remontent au VIe siècle et sont l’œuvre des cynfeirdd. Ces bardes, issus du druidisme alors révolu, commencèrent à faire de la poésie un véritable art littéraire. Ils développèrent l’art de la poésie courtoise et des contes chevaleresques.


En effet, parmi les plus anciens textes littéraires écrits en vieux gallois, beaucoup traitent des légendes arthuriennes, mais aussi des luttes contre les Saxons, louant le courage et la générosité de leurs souverains.
La poésie en langue galloise est encore aujourd’hui très riche, et chère au cœur des galloisants. Parmi les poètes les plus célèbres, on peut citer Dylan Thomas et Saunder Lewis.

Le village gallois le plus célèbre

Liam Dutton, un présentateur météo de la chaîne britannique Channel 4, a réussi à prononcer le nom pourtant imprononçable d’un petit village gallois pendant son bulletin. Résultat ? Ce village, situé sur l’île d’Anglesey, qui n’avait aucune prétention à devenir célèbre, a fait un gros buzz, attirant de nombreux touristes ! Quel village ? Le village de Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwllllantysiliogogogoch, bien sûr.

Il se prononcerait ainsi (on vous laisse essayer) : H’lane-vaïr-pouh’l-gouine-guih’l-go-guér-e-c’houeurn-drôb-ouh’l-h’lane-tis-il-yo-go-go-gauc’h.
Pour tenter de réaliser cet exploit, il y a même une chanson ! À vous de jouer ! 😉

Petit lexique gallois :

  • Enchanté : braf cwrdd â chi
  • Je ne comprends pas : dw i ddim yn deall
  • Vache : buwch
  • Au secours : help (utile en cas de coup dur)

Le cornique, langue de Cornouailles

À l'instar du mannois, le cornique a disparu avant de réapparaître.
À l’instar du mannois, le cornique a disparu avant de réapparaître.

Si les îles de Cornouailles restent connues aujourd’hui (à ne pas confondre avec la Cornouaille bretonne, sans « s »), on ignore souvent que le cornique y était parlé. Tout comme le mannois dans la famille gaélique, le cornique a disparu vers le XVIIIe siècle ou début du XIXe. En cornique, cette langue s’appelait le Kernewek ou Kernowek.

Mais… (il y a toujours un mais !) tout comme le mannois, des habitants et passionnés se sont battus pour faire revivre cette langue oubliée : le cornique contemporain est né ! Des écoles bilingues, Dalleth, ont vu le jour, et depuis 2010, le cornique n’est plus considéré comme éteint par l’UNESCO. Elle reste évidemment une langue en danger d’extinction, dont on estime le nombre de locuteurs à 3500.

Le breton – brezhoneg

Le Gwenn ha Du est l'emblême de la Bretagne et des bretons
Le Gwenn ha du, l’emblème de la Bretagne et des Bretons

La deuxième langue celtique vivante de la branche brittonique vous est sans doute plus familière, puisqu’il s’agit du breton. La langue bretonne est aussi appelée brezhoneg, ou encore breyzad ou brézounecq selon les dialectes.

Pendant plusieurs siècles, les mouvements de population continus venant de « l’île de Bretagne » (actuelle Grande-Bretagne) furent le principal facteur de l’émergence du brittonique en Armorique. Ces populations et leurs cultures se mélangent à celles de la population gallo-romaine d’Armorique. Le vieux-breton a alors très peu de différences avec le vieux-gallois ou le vieux-cornique. On l’appelait la lingua britannica au Moyen Âge. À partir du XIIe siècle, le breton (devenu moyen-breton) commence à davantage se différencier des autres dialectes brittoniques, avec l’appauvrissement des rapports entre Bretons de part et d’autre de la Manche.

S’il était jusque là la langue des élites de l’État breton, il tend à ne devenir que celui du peuple de Bretagne occidentale ou Basse-Bretagne. La noblesse bretonne, elle, passe du latin au français. Suite à la Révolution française, l’usage du breton est encore amoindri avec l’obligation par la Convention de faire du français la seule langue en usage dans les écoles républicaines.

Les dialectes bretons

Bien sûr, comme toute langue, le breton s’est développé à travers plusieurs dialectes, liés aux régions épiscopales :

– le cornouaillais (à ne pas confondre avec le cornique)

– le léonard

– le trégorrois

– le vannetais

– mais aussi, un petit cinquième, moins connu, le breton de Loire-Atlantique, parlé dans la région de Guérande et Batz-sur-Mer

Pour autant, tous ces dialectes peuvent se comprendre entre eux : les différences se ressentent au niveau de la prononciation et du vocabulaire. Un peu comme un Parisien qui parle à un Marseillais…

Après-guerre, le désir de modernité et de changements économiques conduisent peu à peu à l’adoption volontaire du français. En 1950, on estimait à 100 000 le nombre de monolingues bretonnants : depuis les années 80, leur nombre est quasi nul. On compte en 2018 environ 207 000 locuteurs bretonnants dans les cinq départements de la Bretagne historique : Île-et-Vilaine, Côtes-d’Armor, Finistère, Morbihan et Loire-Atlantique. Ce faible nombre de locuteurs en fait une langue « sévèrement en danger » selon l’UNESCO.

Le saviez-vous ?

L’est de la Bretagne n’est traditionnellement pas bretonnante ! Et oui, la Bretagne a longtemps été divisée en deux grandes aires linguistiques, découpées en suivant une ligne que l’on pourrait faire partir de Saint-Brieuc, au nord, allant jusque Guérande, au sud, marquant :


– d’un côté, la Basse-Bretagne, Breizh Izel  : le Finistère, la partie occidentale du Morbihan, l’ouest des Côtes-d’Armor, et dans le sud, la presqu’île de Guérande, avec particulièrement l’enclave du Bourg-de-Batz en Loire-Atlantique. 

– de l’autre côté, la Haute-Bretagne (Haùtt-Bertaèyn ou Haott B·rtingn en gallo, Breizh-Uhel en breton) à l’est : avec l’Île-et-Vilaine, l’est des Côtes-d’Armor, l’est du Morbihan, la Loire-Atlantique : où y est parlé le gallo, une langue d’oïl spécifique à la Haute-Bretagne !

Comme pour toutes les autres langues celtiques vivantes, le breton connaît lui aussi une renaissance, particulièrement depuis les années 2000. En 1977, les premières écoles bilingues, dites Diwan, pratiquant une méthode d’immersion, sont créées : en 2018, plus de 4000 élèves y sont scolarisés de la maternelle jusqu’au baccalauréat.

En 1999, un Office public de la langue bretonne (OPLB, Ofis Publik ar Brezhoneg) a été également créé pour justement contribuer et promouvoir le développement de la langue. Le breton est ainsi de plus en plus présent, que ce soit dans les médias ou dans la vie quotidienne, par exemple avec les panneaux de signalisation bilingues. Des chaînes de radio et de télévision ont également vu le jour, permettant une diffusion élargie de la langue. En 2006, la première web TV diffusant uniquement en langue bretonne voit le jour : Brezhoweb.

Impossible de parler de la langue bretonne sans parler de sa culture musicale et artistique, qui a participé largement, et encore aujourd’hui, à soutenir la visibilité de la langue bretonne ! Dans les années 1970, Alan Stivell, d’origine bretonne, milita grâce à son succès musical international pour faire revivre la musique bretonne. En 1972, son premier concert à l‘Olympia est retransmis en direct à la radio. Dans les mois qui suivent, son disque de pop celtique connaît un succès incroyable et se vend à 1 500 000 exemplaires. Encore aujourd’hui, des titres d’Alan Stivell chantés dans la langue bretonne sont restés mythiques : on peut citer notamment Tri martolod ou la Suite sudarmoricaine.


En 2010, ce regain d’attrait pour la langue bretonne a été mis en lumière par la chanteuse pop Nolwenn Leroy, dont l’album Bretonne s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. Elle y reprend notamment le fameux arrangement de Stivell de Tri Martolod, qui était originellement un chant breton traditionnel.

La France ne reconnaît officiellement pas ses langues régionales !

La Charte européenne des langues régionales et minoritaires est un texte de loi adopté en 1992 par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, ensuite entré en vigueur en 1998. L’objectif de cette loi est de protéger les langues régionales et minoritaires, comme l’est identifiée, entre autres, la langue bretonne.

Cette charte a été ratifiée par de nombreux pays, mais pas par la France !

Quelques mots en breton :

  • Demat ! : bonjour !
  • Kenavo ! : au revoir !
  • Bihan : petit
  • Yec’hed mat ! : à la vôtre ! (pour trinquer, celui-ci vous servira sûrement !)
  • Gwispiderezh : biscuiterie
  • Fest-noz : c’est LA soirée où il faut vous rendre en Bretagne, littéralement fête de nuit !
  • Kouign-amann : un sacré gâteau, littéralement pain beurre, mais pas si simple à cuisiner ! Le dicton de Douarnenez en dit : « Le fait qui veut, le réussit qui peut. ».
  • Billig : c’est la fameuse plaque pour faire de grandes et fines crêpes
  • Gwenn ha du : c’est le nom du fameux drapeau breton bien sûr, connu aux quatre coins du monde !
  • Bro gozh ma zadoù : l’hymne officiel breton qui partage les mêmes notes et paroles que l’hymne gallois

Retrouvez notre dossier sur les langues celtiques 

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