Illustrations d’Adélaïde Laureau
Qui a dit que la langue française était difficile ? À apprendre, peut-être ; à pratiquer, c’est une autre histoire. En réalité, il suffit simplement de savoir utiliser le bon mot, au bon moment. Autrement dit, d’avoir le truc. Et justement, un petit « machin bidule » se laisse toujours caser quelque part.
Nous sommes dimanche après-midi, vous avez encore le cerveau embrumé suite à la soirée de la veille, et voilà votre mémoire qui se met à vous jouer des tours au moment le plus inopportun, alors que vous êtes juché en haut de l’échelle dans une position pas franchement confortable. Là, impossible de mettre la main sur l’ampoule – ni sur le mot français qui la désigne, alors que vous cherchez à vous faire comprendre de votre amie qui ne connaît pas le terme anglais.
Voilà à quoi pourrait ressembler un dialogue entre francophones. Heureusement, votre compagne, chevronnée de la pratique langagière du flou artistique, aura su deviner votre pensée, vous porter secours et surtout… l’ampoule.
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement », affirmait Boileau, puriste de la langue française. Pourtant ces termes passe-partout, qui veulent à la fois tout et rien dire, sont certainement parmi les termes les plus utiles et usités du langage oral. Par conséquent, ils sont réellement incontournables pour celui qui désire s’exprimer avec aisance dans la langue de Molière.
Voici un petit lexique de base pour vous guider dans vos premiers pas.
Truc
« Truc » peut désigner l’ampoule, mais aussi l’émission vue hier soir à la télévision, la fête de samedi prochain, la bonde abîmée au sortir du bain et qu’il faudra remplacer (parce que franchement, qui connaît le mot « bonde » ?!)… Le terme seul ne signifiant rien de précis, il s’accompagne souvent, afin de le restituer spatialement ou temporellement, d’un geste de la main ou du menton. Indispensable, le truc… Dans la bouche d’un étranger, il peut aussi devenir irrésistible. « Truc » appartient au registre familier et comme tel, révèle une certaine maîtrise de la langue française chez celui qui l’utilise. Roulez bien le –r à l’italienne pour faire ressortir le contraste et ce sera le succès assuré.
Bidule
« Bidule » a une acception moins générale. Il désigne la plupart du temps un objet dont on ne connaît pas le nom, souvent parce qu’il est peu usité (par exemple, la rondelle de métal que l’on cale sous une vis pour fixer celle-ci). « Bidule » fait parfois office de nom d’animal (chien, chat, cochon d’Inde). Il peut aussi se conjuguer : « je bidule, tu bidules, il bidule ». On peut en somme le comparer à la langue des Schtroumpfs : « Où as-tu mis le bidule ? Je l’ai bidulé pour le prochain bidule ». Attention toutefois aux abus, qui pourraient créer des malentendus.
Machin
« Machin » est plus usité que « bidule », moins que « truc ». Sa particularité est de pouvoir remplacer un nom propre – très pratique lorsqu’on n’a pas la mémoire des noms. Par exemple : « Je l’ai vue dans le métro avec machin l’autre jour. » À noter qu’il se combinera aisément avec bidule (comme dans « machin bidule »)
Chose
« La Chose », c’est le nom que porte la main sans corps dans le film La Famille Addams. La référence est révélatrice : la chose, c’est quelque chose qui seul, ne veut pas dire grand-chose, mais comme la chose de quelque chose, devient une chose à part entière… C’est clair ? Il me semblait, pourtant…
Le comble de la précision imprécise étant de savoir combiner le tout : le « truc-bidule », le « machin-chose », « truc-bidule-machin-chouette »… Arrivé à ce point, vous maîtrisez l’essentiel du vocabulaire français. Encore un petit effort de grammaire, et vous voilà paré pour une conversation de haut niveau.