Avec la Belgique, la France est l’une des dernières nations occidentales à utiliser le clavier AZERTY. Totalement inspiré du clavier anglo-saxon QWERTY, le clavier AZERTY reste un secret bien gardé : aucune véritable explication n’a été trouvée pour justifier son apparition. Pourquoi les ordinateurs s’utilisent-ils avec un clavier AZERTY en France et dans une partie de la Belgique ? Nous y reviendrons. Avant de pouvoir répondre à cette question, essayons d’abord de comprendre l’agencement du clavier QWERTY imaginé par son génial inventeur : Christopher Latham Sholes.
Christopher Latham Sholes, le père du clavier actuel
C’est dans les années 1870 que Christopher Sholes conçoit la toute première machine à écrire, la fameuse Typewriter, qui sera adoptée par de nombreux écrivains et de nombreuses administrations de l’époque. Dans la toute première version de la machine à écrire, Sholes avait agencé les touches de sa machine de façon alphabétique, considérant qu’il serait plus simple et plus logique de trouver les bonnes touches.
Très vite, Sholes réalise pourtant que cet agencement ne fonctionne pas car les tiges métalliques qui viennent frapper le papier ont tendance à se coincer entre elles… du fait de la proximité de certaines lettres couramment associées. Sholes réfléchit alors pendant plusieurs mois à la meilleure façon d’agencer ses touches pour éviter ce problème mécanique. C’est ainsi que nait le clavier en QWERTY, que l’on connait aujourd’hui. Commercialisée massivement dans les années 1880, la machine à écrire QWERTY connait très vite un succès mondial et elle est distribuée dans de nombreux pays.
En France, le clavier AZERTY semble apparaître au cours de la dernière décennie du XIXe siècle et s’avère être une déclinaison directe de la version QWERTY. Très peu de changements sont apportés si ce n’est l’emplacement des lettres A, Z, Q, W qui sont inversés. Cette déclinaison du format QWERTY est principalement distribuée dans les pays francophones mais elle reste encore aujourd’hui un mystère pour les chercheurs, historiens et scientifiques. En vérité, personne ne sait véritablement pourquoi la France s’est mise à utiliser la disposition AZERTY.
Le clavier AZERTY, un mystère non résolu
On pourrait naïvement penser que le clavier AZERTY est plus efficace que la version QWERTY pour retranscrire la langue française. Mais la réalité est tout autre. Des chercheurs ont prouvé que la distance parcourue par les doigts en utilisant un clavier AZERTY ou QWERTY pour écrire en français était similaire. En d’autres termes, l’agencement AZERTY n’est ni plus ergonomique, ni plus pratique que le QWERTY.
En fait, l’explication la plus probable pourrait résider dans le fait que le clavier AZERTY a été produit en guise d’essai, dans le but de comparer l’efficacité de ces deux agencements. Les dactylographes anglo-saxons étant tout juste habitués aux claviers QWERTY, le succès de l’AZERTY fût très modeste aux États-Unis et en Angleterre. Les fabricants auraient donc préféré écouler ces machines à l’étranger, à commencer par la France, grande puissance de l’époque.
Bientôt une réforme du clavier français ?
Plus d’un siècle plus tard, les claviers AZERTY sont toujours bien présents en France. Pourtant, bien que ce clavier soit apprécié des populations francophones, on sait aujourd’hui que sa disposition n’est pas réellement pertinente et qu’il présente en réalité de nombreux inconvénients.
L’une des principales critiques que l’on peut faire au clavier disposé en AZERTY est que certaines lettres peu utilisées en français ont un accès très facile, comme le Q ou le K. Autre point négatif : les spécificités de la langue française. Il est en effet difficile de produire des accents et l’agencement des touches ne facilite pas l’alternance entre les consonnes et les voyelles. C’est un fait : les claviers actuels ne sont pas ergonomiques. Plusieurs chercheurs ont ainsi démontré qu’il était possible de produire des claviers plus efficaces qui permettraient de taper plus rapidement.
Les raisons « mécaniques » de l’époque étant levées et les autorités françaises étant conscientes du gain de productivité absolument colossale que pourrait représenter la mise en place d’un clavier plus efficace, une réflexion nationale a été lancée pour réformer le clavier. L’AFNOR — Association française de normalisation — a ouvert une enquête publique le 6 juin 2017 afin de définir les normes et la disposition des claviers bureautiques utilisés en France. Le but est de produire un document normatif qui décrit un clavier parfaitement adapté à la saisie de la langue française.
Cette norme, présentée en avril 2019 et portant le doux nom de NF ZF1-300, s’appuie sur deux dispositions de clavier déjà disponibles en France. Ainsi le clavier AZERTY optimisé, très proche de la disposition AZERTY traditionnelle, facilitera grandement la dactylographie des caractères spéciaux : majuscules accentuées, point médian et ligature œ seront désormais bien plus pratiques à atteindre. C’est également le cas de la disposition Bépo améliorée, qui s’appuie elle sur la disposition ergonomique Bépo. Si cette nouvelle norme de claviers optimisés devrait simplifier la tâche de millions d’utilisateurs de claviers AZERTY en France, elle n’est néanmoins pas normative. Les fabricants auront donc le choix d’adopter (ou non) ces nouvelles dispositions !
Quels sont les types de claviers utilisés dans les autres pays ?
- À la différence de la Belgique, la Suisse romande utilise le clavier QWERTZ, une variante du clavier QWERTY commune à tous les pays germaniques (Suisse, Allemagne, Autriche, Pays-Bas et Luxembourg), et que l’on retrouve aussi en Hongrie, en Roumanie et dans les pays slaves. Du côté du Québec, c’est le clavier QWERTY qui conserve les faveurs des dactylographes.
- En Russie, le clavier cyrillique combine deux dispositions : le QWERTY et son équivalent ЙЦУКЕН. Pour passer d’un alphabet à l’autre, il suffit de presser simultanément les touches Maj + Alt du clavier.
- La Turquie utilise depuis 1955 sa propre disposition dactylographique : le clavier en F. Conséquence de la révolution des signes menée par Mustafa Kemal Atatürk en 1928, cette disposition permet une ergonomie accrue, et une distribution équitable des mouvements des mains gauches et droites. La Turquie a d’ailleurs battu le record du monde dactylographique à quatorze reprises entre 1955 et 1995.