Le français canadien, petite chronique historique

Le québécois, variante du français la plus parlée en Amérique du Nord, possède des caractéristiques propres, issues d’une histoire complexe à mille lieux de la France.

Au Québec, le français est la langue maternelle d’environ 7,3 millions de personnes, soit près de 80 % de la population. La province compte en outre plus de 8 % d’anglophones et 12 % d’allophones (néologisme désignant les personnes de langue maternelle autre que les deux langues officielles de la confédération canadienne). Portrait de la langue et de son évolution.

La Nouvelle-France et la domination anglophone

Après la première exploration du golfe du Saint-Laurent par Jacques Cartier en 1534, la France établit sur le continent une vice-royauté qui devient rapidement une colonie de peuplement. Le français s’impose comme lingua franca au détriment des patois (en France, sous l’Ancien Régime, le français n’est parlé que par un tiers de la population !). Après la prise de Québec et Montréal, la Nouvelle-France est cédée à la couronne britannique en 1763. L’élite française quitte la province, les échanges avec le continent cessent et l’enseignement de la langue périclite. La confédération canadienne est créée en 1867 et dès lors, la politique et l’économie sont régies par la minorité anglophone. Le français, jusqu’alors identique au français parisien, évolue de manière indépendante (la transmission se faisant en effet principalement à l’oral). À la fin du XIXe siècle, l’industrialisation entraîne un déplacement des populations rurales vers les villes, où vivent les anglophones. Le parler populaire, mâtiné d’anglais, donnera par exemple naissance au joual dans la région de Montréal.

La reconnaissance politique au XXe siècle

Dans les années 1960, les revendications des francophones conduisent à la « Révolution tranquille » qui porte notamment la question de la langue française au centre des débats. En 1974, elle devient langue officielle et son usage est préconisé dans les domaines du travail, du commerce, de l’administration et de l’éducation (Charte de la langue française, dite « loi 101 » en 1977). De nombreuses institutions sont alors créées : l’Office de la Langue Française ainsi que la recherche universitaire débattent sur la norme et produisent un certain nombre d’outils lexicographiques, comme par exemple la Banque de dépannage linguistique.

Débats linguistiques et évolution

Les dissensions sur la forme du français au Québec débutent au milieu du XIXe siècle et s’intensifient le siècle suivant. Certains estiment que le français québécois doit s’aligner sur le français de France. Les archaïsmes et les anglicismes de la langue populaire leur semblent impropres, l’écart entre la langue parlée et écrite étant en effet assez marqué. Jusqu’à la fin des années 1970, Radio-Canada (radio et télévision publiques québécoises) cherche à établir une norme du français correct. Cette langue jugée élitiste est toutefois critiquée. Les auteurs de théâtre, notamment Michel Tremblay, commencent à cette période à écrire leurs pièces en québécois. Progressivement, les spécificités du québécois parlé (accent, lexique) sont acceptées dans la littérature, le cinéma et les médias.

b.a.-ba de prononciation

En québécois, les pronoms personnels et démonstratifs sont souvent élidés à l’oral. « Je suis » devient « chu », « il » devient « y », « elle » « a », « je vais » « j’va » ou « m’a », « cette » « c’te ». Cette prononciation, d’usage en France au XVIIIe, existe encore dans le français populaire et dans certains patois. Les pronoms sont généralement redoublés : « Quand est-ce que vous venez, vous autres ? », les terminaisons élidées : « vous aut’ », « c’est correc’ ». Un « tu » (archaïsme) est parfois intercalé dans une question : « c’est-tu fini ? ». Pour vous familiariser avec la prononciation (et vous épargner les termes linguistiques du type « affrication des occlusives alvéolaires », c’est-à-dire le « tu » se prononçant « tsu »), je vous conseille de regarder un bon film québécois (de Denis Côté ou Xavier Dolan), il n’en manque pas, ou pourquoi pas des bulles humoristiques comme celles des Têtes à claques, des Appendices ou de Solange te parle.

La langue, porteuse d’histoire

Au cours des siècles, le français québécois a opéré des sélections : « soulier » est ainsi préféré à « chaussure » (Québec 1 – France 0). La langue, vecteur socio-historique, est aussi le reflet des réalités québécoises. Certains archaïsmes gardent le souvenir des premiers colons issus du nord-ouest de la France, comme le vocabulaire marin : « embarquer dans une voiture », « couler un examen » ou encore des termes comme « garrocher » (lancer), qui vient du breton. Le climat donne également naissance à des expressions ad hoc : « Attache ta tuque avec d’la broche ! » signifie ainsi « tiens-toi prêt, prépare-toi à bien affronter ce qui va arriver » ou être « vite sur ses patins » (être capable de réagir, de s’adapter rapidement). Autre spécificité, probablement la plus connue de la langue québécoise, les « sacres » (crisse, câlisse, hostie, tabarnak et leurs variantes) sont le reflet de la place (très oppressive) de l’Église dans la société québécoise du XVIIe siècle jusqu’à la Révolution tranquille.

L’épineuse question des anglicismes

Pour des raisons historiques et géographiques évidentes, la langue québécoise est imprégnée d’anglicismes, parfois très anciens. Par le biais de l’anglais, qui était autrefois la langue du travail, des mots se sont imposés, comme « bénéfice marginal » (avantage social). Depuis les années 1970, les termes anglais sont traduits de façon quasi-systématique : « courriel », « pourriel », « baladodiffusion » (podcasting), « rouli-roulant » (skate), « clavarder » (chatter) en sont de bons exemples. Mais paradoxalement, dans son usage courant, le québécois est truffé d’anglicismes : « c’est une bonne place » (un bon endroit), « être dans le trouble » (avoir des ennuis), « bienvenue » ! (en réponse à un remerciement), « anyway », « oh boy ! », « cute », « y est fucké ! » (il est fou), « watcher » (regarder), « truster » (faire confiance), pour n’en citer que quelques-uns.

Un lexique haut en couleur

Afin de préparer votre prochain voyage au Québec (chaudement recommandé) ou pour (enfin) regarder les films québécois sans sous-titres, voici un petit jeu pour tester vos connaissances du québécois !

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