Dans de précédents articles, nous vous avons parlé des motivations qui peuvent amener à apprendre des langues étrangères, et expliqué comment pratiquer celles-ci au quotidien. Nous avons aussi évoqué les bénéfices que peut apporter le fait de connaître plusieurs langues. Mais il existe des cas dans lesquels l’apprentissage d’une langue s’avère être l’effet secondaire d’une passion plutôt qu’un but en soi, comme le montrent ces cinq professions aux profils très variés. Si toutes requièrent des connaissances linguistiques et vocales un peu particulières, chacune les pratique dans un registre particulier.
1. Chanteur et chanteuse d’opéra
Chanteur ou chanteuse d’opéra est un métier fabuleux, mais incroyablement difficile. Réussir à allier la force à la délicatesse, l’élégance à l’harmonie, la subtilité à la puissance, n’est pas une mince affaire. Une oreille musicale et un coffre puissant ne sont pas les seuls prérequis pour faire un bon chanteur. La plupart des œuvres majeures ont été rédigées en italien et en allemand. Or, si un auditeur lambda n’a pas impérativement besoin de comprendre un texte pour en apprécier la musique, il n’en va pas de même pour l’interprète.
« Je suis une passionnée des langues étrangères », raconte Ann McMahon Quintero dans la vidéo. Son amour de la musique classique et sa fascination pour les langues l’ont menée à une carrière insolite, grâce à laquelle elle voyage aux quatre coins du monde, et pour laquelle elle s’efforce constamment d’élargir son répertoire linguistique.
Même sans être mordu d’opéra, celui-ci reste un moyen de se familiariser avec l’italien, tant les termes issus de la musique classique sont présents dans notre vocabulaire. Nous avons en effet hérité d’une foule de mots provenant de cette langue, comme par exemple tenor, alto, soprano, viola, orchestre, tempo, adagio, allegro, grave, crescendo, arpeggio, staccato, accelerando, maestro, canto et pour finir en beauté, diva.
2. Commissaire-priseur de vente de bétail
Que se passe-t-il quand Busta Rhymes et John Wayne se rencontrent ? La réponse est à chercher du côté du fascinant métier de commissaire-priseur de vente de bétail, une institution aux États-Unis et au Canada. Ses représentants n’ont décidément rien à envier, en terme de débit parolier, à Eminem ou autres éminents rappeurs. Car non seulement ils peuvent atteindre des records en terme de mots prononcés à la minute (ou devrait-on dire, à la seconde ?), mais ils transmettent également des informations valant parfois des milliers de dollars ; autrement dit, mieux vaut ne pas se tromper. Pour se convaincre du caractère périlleux d’une telle prouesse, il suffit de regarder une vidéo (en anglais) – sans oublier de la mettre au ralenti.
La profession est tellement fascinante qu’elle a même fait l’objet d’un film documentaire par le réalisateur allemand Werner Herzog. Dans How Much Wood Would a Woodchuck Chuck? (1981), celui-ci suit le championnat annuel des commissaires-priseurs en Pennsylvanie, interroge les participants et capture avec sa caméra leurs incroyables performances sur scène. Et de conclure que cette langue, si particulière, presque surréaliste, est finalement « la seule poésie encore possible aujourd’hui, la poésie du capitalisme ».
3. Sommelier
Le sommelier joue un rôle central dans la tradition du vin. Expert en œnologie, il conseille les différents acteurs du métier et dresse la carte des vins dans les grands restaurants. Son expertise est précieuse et les restaurateurs lui portent la même estime qu’au chef lui-même. L’acquisition de ce diplôme requiert de longues années d’études, ponctuées de nombreux examens. Les vins recevant des récompenses ne proviennent plus seulement de France mais de partout à travers le monde. Or, le sommelier se doit de connaître chacun d’entre eux.
Pour devenir sommelier (ce que moins de 200 personnes sont parvenues à faire dans ces 40 dernières années), il faut développer une connaissance profonde du vin, depuis le verre jusqu’à la terre, embrasser les cultures, les traditions de chaque zone géographique où la vigne est cultivée, voyager à travers le monde, rencontrer les vignerons, mais aussi connaître leur langue, vecteur de culture et de communication. Les sommeliers sont, en toute modestie, des encyclopédies vivantes du vin.
4. Acteur
Être polyglotte n’est pas une nécessité afin de devenir acteur, mais la maîtrise des langues étrangères en a aidé plus d’un à poursuivre le rêve d’une carrière internationale. Christopher Waltz était déjà un acteur de télévision reconnu en Allemagne, avant que le monde ne le découvre dans Inglourious Basterds, lui et son parfait accent en anglais, français et italien – langues dont la parfaite maîtrise, dans le film, renforce encore l’ignominie du personnage. Depuis, il a quitté les plateaux de télévision allemands pour exporter ses talents outre-Atlantique.
D’autres l’ont suivi – ou précédé – sur cette voie, à commencer par Marion Cotillard, première actrice à remporter l’Oscar de la meilleure actrice pour un film tourné en langue française, et qui apparaît depuis régulièrement dans d’importantes productions hollywoodiennes. On peut encore citer Charlize Theron, Mila Kunis, Ingrid Bergman ou encore l’emblématique Arnold Schwarzenegger.
Réciproquement, les actrices britanniques Kristin Scott Thomas et Charlotte Rampling ont su se faire une place dans l’histoire du cinéma français.
5. Berger
Et pour clore la liste des jargons professionnels inhabituels, voici notre favori. Quel est le point commun entre un berger espagnol, un berger français et un berger turc ? Leur langage. Sur la Gomera, île des Canaries, dans la vallée de Kusköy, au Nord de la Turquie, et autrefois dans les Alpes, dans le village d’As, les habitants utilisent (utilisaient, pour ces derniers) pour communiquer un moyen ancestral extraordinaire : le langage sifflé. Afin de maintenir la communication malgré la distance, les bergers se transmettent des messages d’un sommet à l’autre en sifflant. Ces sifflements n’ont rien d’arbitraire mais suivent au contraire une syntaxe et une grammaire précises, grâce à des modulations très exactement codifiées. Les aigus pouvant traverser de longues distances sans être altérés, les bergers parviennent ainsi à se faire entendre jusqu’à 7 km à la ronde en jouant sur les modulations du sifflement, qui jouent ici le rôle des vibrations des cordes vocales.
Dans le village de la vallée de Kusköy, ce langage est transmis de génération en génération non pas seulement aux bergers mais à tous les habitants. Afin de célébrer la tradition, ceux-ci organisent chaque année le festival de la langue des oiseaux durant lequel hommes et femmes se transmettent des messages sifflés à plusieurs centaines de mètres.
Ce langage sifflé intéresse depuis quelques décennies les ethnologues mais aussi les chercheurs en bioacoustique, une discipline qui s’attache à interpréter la production, réception et interprétation des sons dans le monde vivant.
Si vous aussi vous connaissez un moyen de communication hors du commun, n’hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires !