Sommes-nous vraiment si mauvais ?
« Les Français sont nuls en langue ». Ce refrain nous est rabâché à longueur de temps, chiffres, sondages et études à l’appui. Et effectivement, ce ne sont pas les exemples qui manquent, des errements de nos hommes politiques aux classements internationaux ou européens, où nous faisons généralement figure de cancres. Même si la politique menée par les derniers gouvernements français concernant l’enseignement scolaire des langues étrangères se veut plus moderne, orientée vers un apprentissage précoce et intégré, on a parfois – souvent – l’impression que les lois sont à la traîne derrière les évolutions culturelles et les enjeux actuels. Dernier fait en date : la réforme du collège et la suppression des classes bilangues, qui a provoqué un tollé parmi les professeurs d’allemand.
Quittez la salle de classe !
Mais dans ce débat, on oublie aussi trop facilement les forces du système scolaire français en la matière : la diversité des idiomes enseignés, de l’anglais à l’arabe en passant par le chinois ou le japonais, l’accent mis sur les langues régionales – notamment depuis que celles-ci ont gagné le statut d’espèces en voie de disparition qu’il faut penser à sauver plutôt qu’éradiquer –, une première approche des langues étrangères au C.P. déjà, et une seconde langue obligatoire dès la cinquième… Certes, nous ne tenons pas la comparaison avec nos voisins scandinaves, notamment en terme de méthodes d’enseignement, mais globalement, l’accès aux langues étrangères est largement promu en France. Et au fond, l’apprentissage n’est-il pas aussi une question de volonté individuelle ?
Car le débat autour de l’enseignement des langues étrangères à l’école pose la question : pourquoi tout attendre du système scolaire pour apprendre une langue ? L’école n’est-elle pas, finalement, l’endroit le moins approprié pour cela ? Les langues sont en premier lieu un moyen de communiquer, d’échanger, en l’occurrence avec des personnes venant de cultures différentes. Et pour cela, rien de tel que de quitter la classe et de s’ouvrir au monde. Alors pourquoi ne pas laisser les manuels scolaires tranquilles et aller voir un peu ailleurs ?
1. Jetez-vous à l’eau
Certaines personnes sont absolument convaincues que la seule possibilité d’acquérir un bon niveau dans une langue étrangère est de vivre dans le pays en question. Même s’il existe d’autres moyens, admettons que l’immersion est certainement le meilleur. Mais attention au piège des expat : les francophones aiment se retrouver entre eux autour d’un verre de vin et on a vite fait de compter dans son cercle d’amis plus de compatriotes que de locaux, ce qui, évidemment, n’est pas idéal pour progresser. Et si quelques chopes de bière et une ambiance festive peuvent vite délier les langues, s’exprimer dans des situations plus formelles peut vite devenir un défi. Alors n’hésitez pas à multiplier les contextes dans lesquels vous serez exposé à des locuteurs natifs, et surtout, forcé d’engager des conversations de plus longue durée : cours de photo, groupe de sport ou de cinéma… Toutes les occasions sont bonnes à prendre !
2. École versus vraie vie
On progresse plus rapidement en une heure de conversation avec un locuteur natif qu’en plusieurs semaines à l’école. Alors avant de démarrer, préparez-vous une petite liste de questions à poser aux personnes que vous rencontrerez. Il se peut, au début, que vous passiez pour un partenaire de discussion peu entraînant. Mais souvenez-vous d’une chose : les gens adorent parler d’eux. Complétez votre liste au fur et à mesure, et préparez vos réponses. Si la personne en face de vous pratique un tant soit peu l’art de la conversation, elle saura vous renvoyer la balle. Cette technique permet d’apprendre en imitant les autres, d’enrichir son vocabulaire, mais aussi de se forger une personnalité dans la langue d’apprentissage – aussi bizarre que cela puisse paraître, la personnalité est aussi influencée par la langue dans laquelle on s’exprime. Et cette expérience vaut vraiment l’effort qu’elle exige !
3. Brouillez les frontières entre apprentissage et loisir
Je me souviens des heures passées à déchiffrer et retranscrire les chansons du film Le Moulin Rouge avec ma cousine, et du sentiment de jubilation que nous procurait le fait d’avoir réussi à décrypter un texte et de pouvoir le chanter ensuite en entier. Je sais qu’un grand nombre de mots est resté gravé dans ma mémoire, mais je garde aussi en tête nos fous rires. Aujourd’hui, j’aime à lire les contes d’Italo Calvino en italien et à me laisser bercer par les rythmes chantants de la langue, ou regarder des films des frères Cohen en anglais et tenter de saisir les jeux de mots – pas toujours avec succès, je l’admets. Mais la chose à retenir est qu’apprendre ne rime pas avec s’ennuyer !
4. Évadez-vous aussi souvent que vous le pouvez
C’est en voyageant que l’on réalise à quel point il est utile de connaître des langues étrangères. D’un point de vue pratique, bien sûr, puisque parler la langue locale vous garantit une certaine indépendance. Mais aussi d’un point de vue personnel : être capable de communiquer avec des locuteurs natifs dans leur langue confère un capital sympathie qui fait souvent mouche. Cela peut ouvrir la porte à des expériences authentiques et inattendues. Avant de partir à Copenhague, j’avais appris quelques mots de danois que je mettais consciencieusement en pratique en entrant dans chaque boutique ou café. Résultat : les gens étaient ravis, m’ont parfois même fait des cadeaux, et jamais je ne me suis sentie aussi bien accueillie que là-bas !
5. C’est vous qui faites la classe !
Quelles sont vos motivations pour apprendre ? Quel plaisir y trouvez-vous ? Quelles sont les techniques les plus efficaces ? Vous êtes-vous jamais posé ces questions ? N’oubliez jamais qu’il ne s’agit pas de déterminer les moyens les plus efficaces de manière générale, mais la façon dont vous, en particulier, aimez apprendre et découvrir. Si vous y trouvez du plaisir, vous ne décrocherez pas si facilement, même si cela prend plus de temps. Mais au fond, qui s’en soucie ? J’avais, à mon arrivée en Allemagne, un petit carnet de vocabulaire dans lequel j’écrivais consciencieusement chaque nouveau mot entendu. Chaque matin, je passais les dernières recrues en revue pendant mon trajet vers la fac. Cela peut sembler rébarbatif à certains, mais pour moi, l’heure de train passait en dix minutes ! Emportez vos livres au parc ou au café en bas de chez vous, organisez un tandem ou un groupe avec lequel vous apprenez, écoutez de la musique en vous rendant au travail, regardez des tutoriaux en anglais… Devenez votre propre professeur !