Survivre à une conversation en russe

Un voyage à bord du Transsibérien est la meilleure occasion de rencontrer des Russes bavards. Les questions posées aux étrangers sont souvent les mêmes et on peut facilement se préparer à y répondre. Vous êtes prêts pour le périple ? Alors, embarquons !
Arnaud a traversé la Russie à bord du Transsibérien. L'occasion rêvée pour s'aguerrir à tenir une conversation en russe… avec des Russes.

Comment voyager sans encombre dans un pays dont on ne connait pas la langue ? Arnaud, le plus globe-trotter de nos contributeurs, a parcouru la Russie d’ouest en est à bord du Transsibérien, le fameux train qui relie Moscou à Vladivostok. Et s’il avait déjà de bonnes notions de russe avant son départ, sa traversée de la Russie lui a réservé bien des surprises… mais aussi de magnifiques rencontres ! De retour en France depuis plusieurs mois – vous en imaginez la raison – Arnaud s’est replongé dans ses archives et a décidé de partager un peu de son aventure. Dans l’extrait de son journal de bord qui suit, il revient pour nous sur son épopée linguistique… et notamment sur l’utilité d’avoir préparé le nécessaire pour pouvoir tenir une conversation en russe. 

Vendredi soir en gare de Tchita (Чита), petite ville de Transbaïkalie à 6.198 kilomètres par les rails de l’infatigable Moscou. Ici, tout est beaucoup plus calme et je me dirige vers la gare (вокзал) pour prendre mon train (поезд).

Deux jours de trajet à bord du Transsibérien pour faire 2.300 kilomètres : quand je serai arrivé, le week-end qui vient à peine de commencer sera déjà fini. Je me rends à Khabarovsk (Хабаровск), capitale de l’Extrême-Orient russe.

En attendant le départ, je prépare mon petit guide de conversation en russe. C’est l’occasion de réviser mon vocabulaire pour pouvoir discuter avec mes compagnons de route. Quand on passe autant de temps enfermé dans un wagon, parler pour ne pas devenir fou est la meilleure chose à faire !

La provodnitsa (проводница), chef de compartiment accueille les passagers sur le quai. Паспорт, пожалуйста! Passeport, s’il vous plaît ! demande-t-elle. Вот! Voilà ! Je lui montre le document et gagne le droit de monter pour rejoindre ma couchette. Mon voisin est déjà installé. Здравствуйте! Bonjour ! Je veille à bien rouler le r, je n’ai pas envie de me faire démasquer dès le premier mot. Il me salue à son tour et me pose cette question : Куда вы едёте? Où allez-vous ? En russe, comme en français, le vouvoiement (вы ) est de rigueur. Я еду в Хабаровск, je vais à Khabarovsk. Ce genre de questions revient souvent. Il faut être particulièrement prudent en russe, où il existe trois mots pour dire où :

  • Куда veut dire où quand on exprime une direction : Куда вы едёте? Où allez-vous ?
  • Где veut dire où quand on n’exprime aucun mouvement : Где вы живёте? Où habitez-vous ? C’est cette question que je pose à mon voisin. Il répond qu’il habite à Khabarovsk, Я живу в Хабаровске.
  • Откуда, « troisième où », indique la provenance : Откуда вы? D’où venez-vous ?

C’est justement ce que veut savoir le Russe. Il a dû percevoir un accent étranger.

– Я француз. (Je suis Français.)

– Француз? Из Франции? (Français ? De France ?)

– Да, конечно. (Oui, bien sûr.)

– Как вас зовут? (Comment vous appelez-vous ?)

Je me présente (Меня зовут… / Je m’appelle…) et lui demande son prénom.

– Очень приатно. (Enchanté.) А что вы делаете в России? (Et que faites-vous en Russie ?) Вы студент? (Vous êtes étudiant ?) Вы здесь работаете? (Vous travaillez ici ?)

– Нет, я путешествую. (Non, je voyage.)

– Путешествуете в России? Почему? (Vous voyagez en Russie ? Pourquoi ?)

Dès qu’on voyage en-dehors de Moscou et Saint-Pétersbourg, cette question jaillit immanquablement.

– Потому что мне нравится Россия. Это прекрасная и огромная страна. (Parce que j’aime la Russie. C’est un pays magnifique et gigantesque.)

– Вы понимаете по-русски? (Vous comprenez le russe ?)

– Я немного говорю по-русскии. Это очень красивый язык. (Je parle un peu russe. C’est une très belle langue.)

– А как вы выучили русский? (Et comment avez-vous appris le russe ?)

– Я учил с Баббел. (J’ai appris avec Babbel.)

– Баббел? Что это такое? (Babbel ? Qu’est-ce que c’est ?)

– Это приложение. (C’est une appli.)

Il vient de me sourire. Il suffit de quelques mots pour nouer le contact : évoquer la France qui fait rêver les Russes et exprimer en retour son intérêt pour le plus grand pays du monde — et sa langue.

Vocabulaire : француз / француженка = Français / Française (nationalité), французский / французская = français / française (adjectif), конечно = bien sûr, что вы делаете ? = que faites — vous ?, студент = étudiant, я работаю = je travaille, я путешествую = je voyage, я (не) говорю по-русскии = je (ne) parle (pas) russe, почему? = pourquoi ? потому что = parce que

Mon voisin sort des biscuits de son sac et les partage avec moi. Il sort ensuite du café et me propose une tasse. Un rituel bien connu des passagers du Transsibérien, qui n’échangent pas que des mots :

– Хотите кофе? (Voulez-vous du café ?)

– Нет, спасибо, не хочу. Я не люблю кофе. (Non, merci, je n’en veux pas. Je n’aime pas le café.)

– Тогда, чай хотите? (Donc, vous voulez du thé ?) У меня тоже есть чай, если хотите. (J’ai aussi du thé, si vous voulez.)

– Да, спасибо. Я люблю чай. (Oui, merci. J’aime bien le thé.)

Il me donne un sachet. Вот. (Voilà.)

Vocabulaire : мне (не ) нравится / я (не) люблю = j’aime (je n’aime pas), хотите… ? = voulez-vous… ? я хочу = je veux, у меня есть… = j’ai…

Autour du thé et des biscuits, la conversation en russe peut se poursuivre. En cas de blocage, il me suffit de dire я не понимаю je ne comprends pas ou я не знаю je ne sais pas.

Un peu plus de vocabulaire russe :

  • Здравствуйте est la façon formelle de saluer une personne que l’on vouvoie. C’est généralement celle qu’utilise le personnel à la gare, mais aussi à l’hôtel, au restaurant ou dans les magasins pour s’adresser aux clients. On peut également dire добрый день. Si l’on tutoie son interlocuteur, on privilégie привет ! salut ! Au revoir se dit До свидания ou Пока, en cas de tutoiement.
  • я хотел бы = je voudrais (lorsque c’est un homme qui parle) / я хотелa бы = je voudrais (lorsque c’est une femme qui parle)
  • спасибо = merci. Si  vous êtes vraiment reconnaissants — par exemple, si un Russe vous offre une chapka et insiste pour que vous la preniez malgré votre gêne, comme cela m’est arrivé — vous pouvez dire спасибо большое merci beaucoup (большое est la forme neutre de большой, grand qui est à l’origine du nom du célèbre Большой Театр, Théâtre Bolchoï de Moscou) ou спасибо огромное. L’expression la plus courante pour répondre je vous en prie / de rien est не за что.
  • вот = voilà. Comme en français, on utilise ce mot très pratique quand on tend un objet (passeport, sachet de thé, etc.), mais aussi en guise de conclusion, à la fin d’une phrase. J’aurais pu dire plus haut : мне нравится Россия, вот j’aime la Russie, voilà ou мне нравится Россия, вот и всё j’aime la Russie, c’est tout. Mon compagnon de route aurait sûrement encore plus souri en entendant ce petit tic de langage, typiquement russe.

La voix nasillarde qui crache dans le haut-parleur de la salle d’attente de la gare m’extirpe de mes pensées. Le train vient d’arriver. Je lève les yeux vers l’écran digital et file vers le quai (платформа). La provodnitsa m’attend sur la voie. Паспорт, пожалуйста! me demande-t-elle. Je suis prêt pour la suite.

Tableau récapitulatif pour survivre à une conversation en russe

Alphabet cyrilliqueAlphabet latinTraduction
Француз / француженкаFrantsouz / FrantsoujenkaFrançais / Française (nationalité)
французский / французскаяfrantsouzski / frantsouzskaïafrançais / française (adjectif)
конечноkaniéchnabien sûr
что вы делаете ?chto vi delaïété?Que faites-vous ?
студентstoudientétudiant
я работаюya rabotaiouje travaille
я путешествуюya putechestvouiouje voyage
я (не) говорю по-русскииya (nié) gavariou pa-russkije (ne) parle (pas) russe
почему?patchémou?pourquoi ?
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Arnaud Bernier

Arnaud est un ch’ti junkie des langues. À l’âge de dix ans, son exil à la Réunion lui fait prendre conscience de la beauté et de la diversité des cultures. Devenu aujourd’hui blogueur passionné et voyageur insatiable, il est particulièrement fasciné par le monde russophone et rêve parfois de tout plaquer pour élever des ours en Sibérie.

Arnaud est un ch’ti junkie des langues. À l’âge de dix ans, son exil à la Réunion lui fait prendre conscience de la beauté et de la diversité des cultures. Devenu aujourd’hui blogueur passionné et voyageur insatiable, il est particulièrement fasciné par le monde russophone et rêve parfois de tout plaquer pour élever des ours en Sibérie.