Hérité de différents rituels antiques, le carnaval tel qu’on le célèbre partout dans le monde aujourd’hui trouve pourtant ses racines dans l’Europe médiévale. Le carnaval est une fête typiquement populaire où chacun se déguise et parade dans les rues dans un sentiment de liberté et de communion avec la foule. Si le Brésil est devenu la référence absolue en la matière (on y prépare parfois les défilés un an à l’avance), l’Europe abrite aussi son lot de traditions. Comment parle-t-on du carnaval dans le monde ? Et comment le célèbre-t-on ? Des termes les plus connus aux plus incongrus, cet article vous propose un petit tour d’horizon étymologique… bien carnavalesque !
D’où vient le mot carnaval ?
Le terme « carnaval », qui vient du latin, se compose des mots « carne » (viande) et « levare » (enlever). Il signifie littéralement « entrée en carême », période de l’année durant laquelle l’Église chrétienne interdisait la viande. Et le mot carême lui-même ? C’est encore du latin. Le terme dérive de quarantième, sous-entendu quarantième jour, puisque le Carême se situe quarante jours avant Pâques. Traditionnellement, le carnaval représente donc la dernière occasion de consommer de la viande et autres aliments gras avant que ne débute cette période maigre.
Le saviez-vous ? La règle en français veut que les mots en -al font leur pluriel en -aux… à quelques exceptions près ! Le carnaval en fait partie : un carnaval, des carnavals. La liste comprend d’autres mots comme chacal, emmental, étal, mistral, récital ou encore régal. Et festival, un peu en lien avec le carnaval ! Val est un cas à part, puisqu’il admet les deux pluriels, vals et vaux.
Le carnaval de Nice (France) en quelques mots
Certaines villes brésiliennes, bien qu’elles célèbrent le carnaval pendant une semaine entière, auraient de quoi pâlir devant le carnaval niçois… Que sont sept petits jours comparés aux deux longues semaines de festivités qui animent la ville côtière française !
Le carnaval de Nice rassemble chaque année plus d’un million de participants. Depuis 1830, année où Charles-Félix (roi de Sardaigne et duc de Savoie) s’est installé pour l’hiver avec sa cour à Nice, la figure du roi est devenue une véritable icône du carnaval. Elle a aujourd’hui sa place de choix parmi les marionnettes géantes qui défilent à travers la ville et qui rappellent celles de Recife, au nord du Brésil. Avant que les festivités ne débutent, le Roi s’empare des clés de la ville. Il reste ensuite visible pendant toute la durée des célébrations, avant d’être brûlé le dernier jour.
Au fait, savez-vous d’où vient le mot marionnette ? C’est un diminutif de Marie. À l’origine, il s’agissait d’une petite figurine de la Vierge qui a pris ensuite d’autres visages. D’origine française, le mot s’utilise aussi en espagnol (marioneta) et en polonais (marionetka). Et dans bien d’autres langues comme le danois (marionet), le suédois et le norvégien (marionett) ou encore le croate (marioneta). Dans d’autres langues, on a adapté le mot poupée, comme avec puppet en anglais. L’allemand dit Handpuppe (littéralement, poupée à main) en plus de Marionette. En sicilien, c’est pupi ou pupazzu, même s’il existe le mot fantoccio, qui vient de l’enfant. Même chose en portugais avec fantoche.
Bon à savoir :
- La bataille de fleurs : ce jour-là, une vingtaine de chars défilent à travers les rues et des centaines de fleurs sont jetées aux visiteurs.
- Les carnavaliers : garants d’une tradition artisanale qui se perpétue de génération en génération, ce sont eux qui sont chargés de fabriquer et de décorer les chars du cortège officiel.
Le carnaval de Cologne (Allemagne) en quelques mots
Avec son cortège long de six kilomètres, le carnaval de Cologne (Karneval) est le plus réputé d’Allemagne. Également connu sous le nom de « cinquième saison », il débute officiellement le 11 novembre à 11h11 pour se terminer la veille du Mardi gras de l’année suivante. Il connaît son apogée lors du Rosenmontag, jour du défilé officiel durant lequel la vierge, le prince et le fermier (les trois symboles du carnaval) paradent à travers les rues de la ville.
Pourquoi le Mardi gras s’appelle comme ça ? Avant le carême, la coutume était de manger gras la veille du mercredi des cendres, c’est-à-dire le mardi… gras, donc ! Le Rosenmontag est en quelque sorte le lundi gras, ou lundi des roses littéralement. À l’origine, il s’agissait en fait du rasender Montag, c’est-à-dire du lundi furieux. L’expression actuelle date du XIXe siècle. Le défilé du Rosenmontag porte quant à lui le nom de Rosenmontagszug.
Bon à savoir :
- Kölle Alaaf! : cri de ralliement en kölsch, le dialecte de la ville de Cologne.
- Der Prinz : le prince est l’une des figures majeures du festival de Cologne.
Le saviez-vous ? Le mot allemand Karneval s’utilise surtout dans la région de Cologne, en Rhénanie et en Allemagne du Nord. En Allemagne du sud ainsi qu’en Suisse, on préfère parler de Fastnacht, une déformation de vastnacht en moyen bas allemand : la nuit avant le jeûne. En Bavière, on trouve le mot Fasching.
Le carnaval de Londres (Royaume-Uni) en quelques mot
À Londres, le carnaval (carnival) fut célébré pour la première fois en 1964 dans le quartier de Notting Hill et devint rapidement très populaire. Les festivités y ont une teinte nettement plus politique, renouant ainsi avec leurs origines antiques. En effet, le carnaval était, dans l’Antiquité, un jour où la hiérarchie sociale et l’ordre établi se trouvaient renversés (une portée symbolique que l’on retrouve encore aujourd’hui dans la variante juive de cette fête, Purim).
Le carnaval de Notting Hill est né à l’initiative de la communauté de Trinité-et-Tobago, à laquelle se sont jointes les autres communautés caribéennes de ce quartier, dans un mouvement de lutte contre le racisme et pour une meilleure intégration des immigrés à la vie locale. À l’image de ses origines, ce sont principalement le reggae et le ragga qui dominent musicalement. Toutefois la drum and bass, la house, le funk et le hip-hop viennent tous les ans s’inviter à la danse. Une autre particularité : à Londres, le carnaval… se déroule en août !
Bon à savoir :
- Jerk Chicken : il s’agit d’un plat typique des Caraïbes, servi durant les fêtes du carnaval.
Le carnaval de Venise (Italie) en quelques mots
Le légendaire carnaval de Venise (carnevale) est réputé partout en Europe pour ses masques fantasques. C’est aussi l’un des plus anciens dans cette partie du globe, puisque les premières célébrations remontent apparemment à 1094. Le mot masque, en revanche, est beaucoup plus récent. Mais il n’en est pas moins italien ! Il faut remonter au XVIe siècle pour en retrouver l’origine. On tombe sur le mot masca en latin tardif, qui désigne la sorcière, le spectre ou le démon. En français, il a le sens de tache noir, comme avec le verbe maschurer qui signifiait noircir, barbouiller. Le mot prend l’idée d’un travestissement, d’un déguisement qui dépasse les apparences classiques du quotidien. À l’époque, de tels déguisements consistent pour l’essentiel à se noircir le visage, voire le corps. Arlequin, personnage incontournable de la commedia dell’arte, porte déjà un masque noir. Le terme a fini par évoluer pour prendre le nom de l’accessoire que l’on connaît si bien de nos jours… et indissociable du carnaval, surtout le carnaval de Venise !
Autre mot italien central du carnaval : le confetti. Ou plutôt le confetto, confetti étant le pluriel italien, même s’il est vrai qu’on utilise rarement le singulier. En tout cas, pour la version française. Car les confetti italiens ne se jettent pas au carnaval ! Ce sont plutôt des dragées, des bonbons. Les confettis portent un autre nom : coriandoli, autre pluriel basé sur le singulier coriandolo, c’est-à-dire la coriandre. Car avant de se mettre aux bouts de papier colorés, la tradition festive était plutôt de lancer des graines… et des bonbons. D’où ces deux mots avec leurs deux sens, et leurs deux origines. À noter qu’en russe, les sucreries lancées pendant les fêtes populaires ont laissé le mot конфеты (confeti, bonbons) dont le singulier est конфета (confeta). À l’inverse du français et de l’italien, le mot donc un mot féminin à l’inverse du français et de l’italien.
Pour en revenir au carnaval de Venise, la cérémonie d’ouverture porte le nom de Volo dell’Angelo (Le vol de l’Ange). Elle met en scène une personne costumée descendant, depuis les hauteurs du campanile de la basilique, sur la place Saint-Marc, généralement noire de monde à cette occasion. Durant le premier dimanche du carnaval, le Corteo Acqueo, un cortège de gondoles vénitiennes traditionnelles, parcourt la ville jusqu’au Canale di Cannaregio, l’un des plus importants canaux de Venise.
Bon à savoir :
- La Maschera più Bella (Le plus beau masque) : c’est le nom du concours qui sélectionne le plus beau masque du carnaval.
- Colombina (Colombine) : Colombine est le prénom du personnage de la soubrette dans la commedia dell’arte. C’est aussi le nom donné à un type de masque couvrant uniquement les yeux, le nez et les oreilles.
- Galani : il s’agit d’une petite pâtisserie typique de la région vénitienne, traditionnellement consommée pendant le carnaval et qui ressemble aux beignets français, aussi appelés « bugnes ».
Le carnaval de Cadix (Espagne) en quelques mots
En Espagne, plusieurs villes célèbrent le carnaval, comme Santa Cruz de Tenerife. Cependant, Cadix en Andalousie reste une référence. Ici, le carnaval s’inscrit dans une tradition longue de quatre siècles, inspirée de celle de Venise, avec laquelle la ville entretenait jadis d’étroits liens commerciaux. En plus d’être le plus ancien en Espagne, le carnaval de Cadix est particulièrement réputé pour ses parades à caractère humoristique et même satirique qui se déroulent sur onze jours. Attention, si vous souhaitez y participer, sachez que lors du dernier dimanche, il est strictement interdit de sortir sans déguisement !
Bon à savoir :
- Chirigota : c’est le nom d’une troupe de musiciens satiriques.
- Ilegales : il s’agit de troupes de musiciens « illégales », car elles ne participent pas au concours officiel.
- Romanceros : ce sont des participants déclamant des textes dans les rues de la ville
Les carnavals de Rio, Salvador et Recife (Brésil) en quelques mots
Le Carnaval de Rio est l’un des plus célèbres carnavals dans le monde et attire environ 2 millions de visiteurs chaque année. À Salvador, les festivités sont plutôt exclusives : on raconte qu’on y compte le plus grand nombre de célébrités au mètre carré ! Quant au carnaval de Recife, il est surtout connu pour son énorme coq, le Galo de Madrugada (coq de l’aube), dont la parade marque le début des festivités.
La tradition du carnaval a d’abord été importée au Brésil par les esclaves africains au XVIIIe siècle. Elle s’est ensuite nourrie des diverses traditions européennes, notamment de celle du carnaval de Paris.
Bon à savoir :
- Ô Abre Alas : il s’agit du titre de la première chanson écrite spécialement pour le carnaval, en 1890, par Chiquinha Gonzaga.
- Sambódromo : le nom d’une longue avenue de Rio où défilent les écoles de samba et les chars durant les festivités.
- Trio elétrico : ce camion, spécialement décoré et construit pour les chanteurs et les groupes de musique, abrite un sound system extrêmement puissant.
- Folião : le surnom donné aux participants du carnaval.
Maintenant, il ne vous reste plus qu’à choisir votre carnaval, votre langue et vos mots !