La prononciation française est certainement le pire cauchemar des apprenants. Mais pourquoi existe-t-il autant de mots difficiles à prononcer en français ? Disons le tout de suite, l’un des principaux coupables est indéniablement l’orthographe, avec ses consonnes et voyelles muettes, ses nasales et autres lettres à chapeau. Contrairement à d’autres langues romanes comme l’italien, l’espagnol ou le roumain, en français, l’orthographe n’est pas transparente. On parle de transparence lorsque la langue suit une orthographe phonétique, comme c’est par exemple le cas du serbe et du croate, et, dans une certaine mesure, des autres langues romanes citées plus haut. Autrement dit, lorsque l’orthographe est transparente, il suffit de voir un mot écrit pour deviner facilement sa prononciation. Ce n’est décidément pas le cas en français… à moins d’avoir de l’aide !
Sans être aussi opaque que celle de l’anglais, l’orthographe française est suffisamment capricieuse pour donner du fil à retordre, même aux langues les plus agiles. Deux lettres muettes à la fin de « doigt », cinq lettres pour une seule syllabe dans « temps »… Il y a parfois de quoi s’arracher les cheveux ! Malgré les efforts de simplification accomplis au fil des siècles, on est encore très loin du vœu pieux de Voltaire selon lequel « l’écriture est la peinture de la voix : plus elle est ressemblante, meilleure elle est ».
Doubler pour différencier, et le tour est joué
Parce qu’il a subi à la fois l’influence du latin et du franc (langue germanique) le français a développé des spécificités qui expliquent en partie sa complexité. Alors qu’en italien, une consonne doublée a en général pour fonction de signaler où placer l’accent tonique (par exemple dans allievo, « élève »), elle ne donne en français aucune indication de prononciation. Alors à quoi sert-elle ?
La réponse est à chercher du côté des homophones, mots qui se prononcent exactement de la même façon, mais qui ne partagent ni la même signification, ni (vous l’aurez deviné) la même orthographe. Et pour cause : l’orthographe sert à distinguer à l’écrit ces mots parfaitement identiques à l’oral. Les doubles consonnes permettent ainsi de différencier les homophones, comme dans « date » et « datte », sans pour autant en modifier la prononciation.
C’est entre autres pour cette même raison (mais aussi pour des raisons étymologiques) que certains sons s’orthographient de multiples manières. Comment, autrement, expliquer le fait que nous ayons trois façons d’écrire le son [e], si ce n’est pour différencier « donner » de « donnée » ou « donné » ?
Dans d’autres cas, c’est à l’écart de plus en plus marqué entre le langage écrit et oral qu’il faut attribuer les origines de certaines difformités de l’orthographe française contemporaine. Les lettres aujourd’hui muettes, notamment celles placées en fin de mot, sont une parfaite illustration de ce genre d’évolutions linguistiques. Alors qu’autour des années 1200 on a petit à petit cessé de prononcer certains éléments, ceux-ci ont pourtant été conservés à l’écrit rendant ces mots difficiles à prononcer en français. Ces lettres et syllabes ont fini par devenir atones (non accentuées à l’oral), comme le E final, qui ne se prononce généralement pas en fin de mot.
De tels écarts entre l’écrit et l’oral rendent certains mots difficiles à prononcer en français. Il suffit de voir nos protagonistes étrangers s’essayer à la lecture du mot « HOUX » pour s’en convaincre : deux lettres muettes et un changement dû à la combinaison des voyelles O et U… ce qui fait donc trois « pièges » pour quatre lettres… et une seule syllabe !
Mais l’orthographe n’est pas la seule surprise que nous réserve la langue de Molière, qui a plus d’un tour dans son sac pour surprendre ceux qui s’en approchent. Les nasales, par exemple sont particulièrement difficiles à reproduire, surtout pour un Allemand ou un Italien, qui n’ont aucun équivalent dans leur propre langue. Mais heureusement, comme les Français le disent si bien, rien n’est impossible ! Avec quelques connaissances de base et un peu d’entraînement, vous devriez pouvoir réussir à maitriser ces mots difficiles à prononcer en français.
Les sons et les mots difficiles à prononcer en français
1. Les nasales
QUINCAILLERIE – GROIN
Le français compte encore trois voyelles nasales qui, comme vous allez le voir, portent bien leur nom.
Quand le E, le A, O, I ou U sont suivies de M ou de N, leur prononciation se modifie et devient… nasale. Voici ce que ça signifie : lorsqu’on prononce ces voyelles normalement, l’air passe par la bouche. Dans la nasale au contraire, le son se forme plus au fond de la bouche et l’air passe à la fois par celle-ci et par le nez (cette vidéo vous explique tout cela de façon magistrale). Pour vous entraîner, placez la main devant votre bouche et répétez alternativement les sons [a] (comme dans « abracadabra ») et [ã] (comme dans « chantant »). Vous sentirez tout de suite la différence !
Exemples : emprunt, rotonde, champagne, entêté…
2. Les lettres muettes
HOUX – QUINCAILLERIE – COQUELICOT
Pour des raisons exposées plus haut, on ne prononce que rarement la lettre finale d’un mot. Ainsi le E en position finale, qui marque souvent le genre féminin, ne se prononce généralement que s’il a un accent. « Né » et « née » se prononcent par exemple exactement de la même façon. Il existe toutefois des particularités locales : dans certaines régions de Suisse, on a tendance à prononcer le E final comme un I, ce qui donne donc « néi ».
Exemples : fusil, beaucoup, autant, poing
Le H français, au contraire du H anglais ou allemand, est également muet. Tout comme le U lorsqu’il suit un Q.
Exemples : houle, rhum, quelqu’un
Ne croyez cependant pas que ces lettres soient complètement inutiles, car elles savent aussi se faire entendre. Mais gardons ça pour plus tard.
3. Les combinaisons de lettres
ŒIL – BREDOUILLE – YEUX – TILLEUL
Certaines combinaisons de lettres peuvent modifier la prononciation que chacune a individuellement. Voici une petite liste non exhaustive – car il faut le savoir, les Français adorent les exceptions !
Le E dans l’O :
Faisons d’abord un petit tour par notre cher Œ, qu’on trouve par exemple dans « œil » ou « cœur ». Est-ce un C ? Un O ? Un E ? Rien de tout cela. Pour la petite histoire, le « E dans l’O » vient de la diphtongue grecque OJ devenue OE en latin, puis Œ en français. La langue a fini par entrelacer ces deux lettres à l’origine distinctes, au point qu’elles ne fassent plus qu’une (le français ayant la réputation d’être la langue de l’amour, il fallait bien être à la hauteur !). On appelle cela une ligature.
Le Œ se prononce de deux façons :
-[ø] lorsque la lettre Œ est suivie de U
Exemples : nœud, vœu
-[œ] lorsque la lettre Œ est suivie de U, puis de F, R ou L
Exemples : œuf, cœur, sœur
Les voyelles
Quant aux autres voyelles, voici quelques cas d’altération phonétique :
E > EU : il existe deux façons de prononcer EU :
-[ø], avec les lèvres presque fermées
Exemples : joyeux, peureux, deux
-[œ], avec les lèvres arrondies en forme de O
Exemples : tilleul, filleul, neuf
E > ER : se prononce [e] en fin de mot.
Exemples : manger, nouer, pérorer
U > OU : la différence est souvent difficile à identifier, car les deux sons n’existent pas dans toutes les langues (l’anglais, par exemple, ne possède pas le son [y], soit le U de « hurluberlu » en français). Quand elle est seule, la lettre U se prononce du bout des lèvres. En revanche, quand elle est précédée du O, elle se prononce [u] comme dans « joujou ».
Exemples : fourbu, voulu, moussu
O > OI : [wa]
Exemples : oisiveté, choisir
A > AI : [e]
Exemples : maison, raison
A > AI : [ɛ]
Exemples : chair, volontaire
A > AU/EAU :[o]
Exemples : aurore, roseau
Les consonnes
Comme pour les voyelles, la prononciation des consonnes change parfois lorsque celles-ci sont suivies de certaines lettres ou qu’elles sont doublées.
L > LL : [j]
Exemples : famille, babilles
T suivi d’un I : [s]
Exemples : péripétie, obstruction
G suivi de A, O, U : est un G dur [g]
Exemples : guitare, gaffe, gomme
G suivi d’un I ou d’un E : devient un G doux [ʒ] et produit le même son que la lettre J
Exemples : geôle, Georges, gitan
G suivi d’un N : [ɲ]
Exemples : montagne, oignon
4. Accents, cédille et trémas
Les accents
Il existe trois accents en français : l’aigu, le grave et le circonflexe, que les Français affectionnent particulièrement pour son allure sympathique.
É : [e]
Exemples : gérer, étoile
È : [ɛ]
Exemples : grève, délétère
Ê : [ɛ]
Exemples : tête, fête, bête
Pour récapituler, entraînez-vous avec le mot « extrêmement », qui comprend quatre prononciations différentes de la lettre E.
La cédille
Vous allez l’adorer, non seulement pour son petit côté exotique, mais surtout parce qu’elle est très facile à maîtriser : la cédille, toujours placée sous le C (ç), transforme le son dur [k] (de « cacophonie », par exemple) en [s] (comme dans « serpent »). Elle opère sa magie devant le O, le A et le U.
Exemples : glaçant, garçon, déçu
Les trémas
Les trémas servent à séparer deux voyelles qui normalement, parce qu’elles sont accolées, devraient se prononcer ensemble. Ainsi, dans « mais », le AI se prononce [ɛ], alors qu’il se prononce [ai] dans « maïs ».
Exemples : naïf, héroïque
5. Les liaisons
Les mots qui contiennent des liaisons font évidemment partie des mots difficiles à prononcer en français. Mais pas de panique, dans beaucoup de cas, ne pas faire la liaison ne signifie pas qu’on ne vous comprendra pas ! Sachez cependant qu’une liaison se fait uniquement (mais pas non plus systématiquement) quand un mot se terminant par une consonne est suivi d’un mot débutant par une voyelle – la revanche des muettes ?
Exemples : « J’ai beaucoup appris pendant ce voyage », « Je suis allée au cinéma »
Le H joue un rôle particulier dans les liaisons. On pourrait même dire qu’il est la diva de la langue française, changeant d’humeur comme de chemise… Ainsi, le plus souvent, il empêche la liaison, comme dans « Les | haricots sont cuits ». Mais ce n’est pas toujours le cas puisque dans « Les__heures passent », par exemple, on fait bien la liaison entre le S et le H. Capricieuse, la lettre H ? À peine !
Pas la peine d’en faire un fromage
La prononciation française représente un univers entier à elle seule, avec un grand nombre de règles et un nombre d’exceptions peut-être encore plus grand… Pas étonnant qu’il existe autant de mots difficiles à prononcer en français : la langue de Molière exige avant tout de la pratique et de l’habitude !
Si vous souhaitez mieux la comprendre en vous basant sur votre langue maternelle (car, comme le montre la vidéo, un Italien n’aura pas les mêmes difficultés qu’un Turc ou qu’un Russe), découvrez vite nos cours en ligne, à la section « écouter et parler ». Avec des exemples adaptés à votre langue d’origine, présentés de façon ludique, et suivis d’exercices de prononciation… vous n’aurez plus d’excuses pour ne pas réussir à apprendre tous ces mots difficiles à prononcer en français. Mais rassurez-vous, un léger accent a toujours du charme 😊