Qui vit depuis toujours dans un pays officiellement ou de facto unilingue aura tendance à percevoir l’apprentissage d’une nouvelle langue comme un voyage dans l’inconnu, l’occasion de dépasser les frontières de sa culture d’origine. Pour des personnes qui ont au contraire grandi dans un milieu multilingue, les langues étrangères font partie du quotidien. Or, il existe un grand nombre de pays multilingues.
Cet article vous en propose une liste non exhaustive qui prend avant tout en compte les pays où l’on parle effectivement une grande variété de langues, sans nécessairement que ces dernières soient inscrites dans la constitution. Voici les 7 pays les plus multilingues du monde !
Luxembourg : les plus multilingues des Européens
Le voyage commence donc en Europe avec l’un des grands gagnants ex æquo du jour : le Luxembourg. Il existe une différence essentielle entre la réalité du Luxembourg et celles de la Belgique et de la Suisse, qui reconnaissent respectivement trois et quatre langues officielles. Pour ces deux derniers pays (comme pour la plupart des nations multilingues d’ailleurs), bien que le multilinguisme soit inscrit dans la constitution, cela ne signifie pas automatiquement que les habitants sont eux-mêmes multilingues. Les communautés sont souvent unilingues et réparties à travers le territoire, restant distinctes les unes des autres. De ce point de vue, le Luxembourg est bien une exception. Minuscule principauté nichée au cœur de l’Europe, le Luxembourg reconnaît trois langues officielles : le luxembourgeois, le français et l’allemand. Si cela peut d’abord sembler modeste comparé au voisin suisse, il faut cependant savoir que l’allemand et le français sont obligatoires à l’école dès le primaire et que les documents officiels sont systématiquement rédigés dans les trois langues. La plupart des citoyens luxembourgeois les parlent donc couramment, ce qui n’est pas le cas des Belges ou des Suisses. C’est même tellement rare que le Luxembourg se voit attribuer notre titre de grand gagnant européen !
Serbie : l’héritage multilingue de la Yougoslavie
Des cendres de l’ex-Yougoslavie sont nés plusieurs pays, dont la Serbie. Depuis 2006, le serbe est la langue officielle du pays. On peut toutefois encore entendre une multitude de langues à travers le territoire, héritage d’une histoire mouvementée.
De par sa relative proximité avec le serbe, qui fait partie de la famille des langues slaves, le russe y est encore parlé par l’ancienne génération. Dans certaines régions, particulièrement dans les territoires frontaliers, on peut également entendre le hongrois, le roumain et l’albanais. L’administration de la province de Voïvodine reconnaît notamment six langues officielles : le serbe, le hongrois, le roumain, le slovaque, le croate et le ruthène. En visitant la Serbie centrale, il est aussi probable que vous entendiez parler bulgare. En ex-Yougoslavie, on parlait également macédonien et slovaque, ce qui explique que certaines personnes maîtrisent encore les deux idiomes.
L’anglais est enseigné dès le plus jeune âge et fait partie des matières obligatoires à l’école à partir du primaire. L’allemand est lui optionnel mais également largement répandu et très prisé de la population car la proximité géographique avec l’Autriche incite de nombreuses personnes à émigrer dans ce pays germanophone.
Encore un point intéressant à mentionner : la langue serbe possède deux alphabets, le cyrillique et le latin. Les deux peuvent être utilisés indifféremment et dans les deux cas, l’écrit est extrêmement proche de l’oral. La langue suit en effet de près le principe du « parler comme on écrit », ce qui facilite considérablement la maîtrise de la prononciation et de l’orthographe pour ceux qui apprennent la langue.
Afrique du Sud : le pays aux 11 langues officielles
Sortons maintenant des sentiers européens pour aller voir du côté de l’Afrique. L’Afrique du Sud compte actuellement onze langues officielles – rien que ça ! L’afrikaans, langue dérivée du néerlandais et parlée par les premiers colons débarqués en 1652, domine historiquement. Il est talonné par l’anglais, langue de la deuxième vague de colons arrivée en 1822.
L’Afrique du Sud a un statut un peu particulier si on la compare avec les autres pays de ce continent au passé colonial. Alors que dans la plupart d’entre eux, les langues vernaculaires (langues des indigènes) étaient réprouvées et massivement prohibées par les nations colonisatrices, en Afrique du Sud, elles ont été traitées d’une toute autre façon. Elles n’y ont en effet jamais été interdites. En réalité, on encourageait même les populations locales à parler leur propre langue dans le but de consolider la ségrégation culturelle en rendant impossible l’accès aux structures institutionnelles, contrôlées par la population blanche. Sans maîtrise de l’anglais, de nombreuses ethnies furent ainsi exclues et privées de leurs droits sur des générations entières, en partie en raison de cette politique linguistique.
Suite à la fin officielle de l’apartheid, plusieurs idiomes ont accédé au statut de langue officielle aux côtés de l’anglais et de l’afrikaans : le ndébélé, le sotho du Nord, le sotho du Sud, le twsana, le swati, le tsonga, le venda, le xhosa et le zoulou. En tant que membres d’un pays intégrant officiellement une si large diversité linguistique, la plupart des citoyens sont effectivement multilingues, au moins bilingues.
Russie : le plus grand (par la taille !) des pays multilingues
À cheval sur deux continents, ce territoire dépaysant abrite une incroyable variété d’idiomes répartis sur quelques dix-sept millions de kilomètres carrés. Si les Russes ne se distinguent pas particulièrement par leur maîtrise de l’anglais, nombre de russsophones sont multilingues par la pratique d’autres idiomes nationaux. Parmi ceux-ci, on peut citer : l’adyguéen, le bachkir, l’ingouche, le kabarde, le karatchaï-balkar (lui-même subdivisé en deux dialectes, le karatchaï-baksan-tcheguem et le balkar), le tatar, le kalmouk, l’abaza, le nogaï, le mari, l’erzya et le mokcha (de la famille des langues mordves), le komi, l’ossète, l’oudmourte, le tchétchène ou encore le tchouvache. Le russe demeure cependant la langue officielle du pays.
Indonésie : un multilinguisme à l’avenir menacé
La géographie de l’Indonésie est indéniablement l’une des raisons de sa grande diversité linguistique. En effet, avec près de 18 000 îles (dont 922 peuplées), le pays était pour ainsi dire destiné à devenir multilingue. Il arrive même que les habitants d’une même île ne partagent pas la même langue. Le bahasa Indonesia, l’indonésien descendant du malais, fut adopté comme langue officielle dans les années 1930 et est maintenant enseigné dans toutes les écoles du pays. Aujourd’hui, l’indonésien est la première langue de 20 millions de personnes, et la seconde de quelques 140 millions. L’Indonésie compte 240 millions d’habitants et une multitude d’ethnies, ce qui explique la présence de plus de 725 langues à travers tout le territoire (on vous épargne la liste !). Malheureusement, beaucoup de ces idiomes sont aujourd’hui menacés d’extinction.
Inde : multilingues mais difficiles à recenser
Il est difficile de trouver des chiffres officiels concernant les langues parlées en Inde. On peut toutefois affirmer sans aucune hésitation qu’il s’agit d’un pays radicalement multilingue. La constitution reconnaît 22 langues, dont le bengali, le pendjabi, le hindi et le tamoul. Les langues officielles du gouvernement indien sont le hindi (transcrit en écriture devanagari) et l’anglais. Hérité de la colonisation britannique, l’anglais est également parlé couramment par environ 90 millions d’habitants, appartenant en général aux couches sociales plus aisées et instruites. Environ 40 % de la population parle hindi, majoritairement dans le centre et le nord du pays. L’Inde n’a cependant aucune langue nationale désignée.
En 1961, un grand recensement a permis d’identifier 1652 « langues maternelles », sans toutefois établir clairement de distinction entre langue et dialecte. Et pour rendre la chose encore plus compliquée, il semble que beaucoup de personnes aient déclaré une langue qu’elles ne parlaient pas en réalité, ou bien aient confondu la langue avec le nom de leur caste.
Le recensement de 2001 rapporte l’existence de 122 langues majeures et 1599 supplémentaires en Inde (incluant potentiellement des dialectes). Une étude plus récente et vraisemblablement plus fiable identifie 780 langues et suppose l’existence de 100 autres environ. Au-delà des chiffres officiels, des organisations non gouvernementales avancent le chiffre de 220 langues indiennes qui auraient disparu dans les 50 dernières années et 150 qui seraient menacées d’extinction dans les 50 années à venir, en raison de la disparition de leurs locuteurs et de l’absence de transmission aux nouvelles générations.
Papouasie-Nouvelle-Guinée : 1 pays, 850 langues
La palme de la nation la plus multilingue est décernée à l’État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée, ex æquo avec le Luxembourg. En plus des quatre langues officielles, on évalue à 850 le nombre d’idiomes parlés sur ce territoire, où environ 7 millions d’habitants sont membres de tribus diverses. Malheureusement, ces langues comptent moins de 1000 locuteurs et sont donc menacées d’extinction, un risque accentué par la dominance toujours plus forte de l’anglais et du tok pisin, créole à base lexicale anglaise. Tous deux comptent parmi les langues officielles du pays, aux côtés du hiri motou et de la langue des signes papouasienne qui a accédé à ce rang en 2015.