Illustrations par Lucille Duchêne
Nous abordons aujourd’hui une pratique lexicale commune à toutes les langues : les tics de langage. Ce sont ces mots que l’on prononce inconsciemment, souvent en début ou en fin de phrase. La plupart du temps, ils ne permettent pas réellement d’établir un dialogue ni même d’apporter des informations nouvelles. Ils servent juste à rendre les phrases un peu plus consistantes.
En français, les plus communs sont par exemple j’avoue, je veux dire, c’est clair, voilà, du coup, carrément… Vous avez déjà compté combien de fois par jour vos collègues disent en fait ? Vous a-t-on déjà fait remarquer que vous utilisiez un peu trop souvent le mot genre ? Bref ! On pourrait croire que tout ça, c’est un peu parler pour ne rien dire. Et pourtant, les tics de langage ont un véritable rôle à jouer !
4 raisons d’adopter les tics de langage
Parler pour ne rien dire, ce n’est certainement pas parler pour ne rien faire… D’ailleurs, si les tics de langage sont si répandus dans de nombreuses langues, il doit sûrement y avoir une raison, non ? Non ! Car, en fait, il existe 4 bonnes raisons de connaître les tics de langage de la langue que vous apprenez :
♠ Vous parlerez plus naturellement
Vous avez peut-être honte de votre accent français lorsque vous parlez anglais. Bonne nouvelle : les tics de langage sont un bon remède ! Ils peuvent nuancer l’effet négatif de votre accent chez vos interlocuteurs en leur montrant que vous maîtrisez certains automatismes linguistiques. Par exemple, si vous voulez dire en anglais « Fais ce que tu veux ! », vous pouvez dire « Anyway (correspond à bref en français), do what you want! ».
♣ Vous aurez davantage confiance en vous
Il ne s’agit pas seulement de flatter vos interlocuteurs, mais avant tout de gagner en confiance en soi ! En adoptant les habitudes de langage des locuteurs étrangers, vous vous sentirez rapidement plus à l’aise, plus décontractés. Et vous vous mettrez à mieux parler. Essayez de dire « Look (correspond à écoute en français), do what you want! » pour voir !
♥ Vous aurez plus de temps pour réfléchir
Lorsqu’on apprend une langue étrangère, on a souvent besoin de plus de temps pour formuler une idée précise. Le vocabulaire peut vous faire faux bond, et c’est bien normal. En prolongeant vos phrases de quelques locutions, vous vous octroyez le temps de réfléchir à ces mots qui ne vous viennent pas immédiatement à l’esprit. Prenons un exemple en espagnol : « Mira (correspond à écoute en français)… tienes que decir la verdad. ». En commençant votre réflexion par mira, votre phrase est plus longue que si vous aviez simplement énoncé l’idée générale « tienes que decir la verdad » (tu dois dire la vérité). Et pour gagner plus de temps, vous pouvez d’ailleurs très bien marquer une pause entre les deux parties de la phrase comme le suggèrent les points de suspension.
♦ Vous pourrez faire croire que vous avez tout compris
Ce n’est peut-être pas la raison la plus noble d’apprendre les tics de langage. Pourtant, si vous n’avez pas saisi tout ce qu’on vient de vous dire et que vous ne savez pas exactement comment répondre, cachez-vous derrière ces petits mots. En allemand, stimmt (correspond à c’est vrai/c’est clair en français) fait partie de ces vocables parasites que l’on entend souvent.
Quels tics de langage utiliser dans quelle langue ?
Du coup, à titre d’illustration, voici quelques-uns des tics de langage les plus communs dans chacune de ces 6 langues : en anglais, en allemand, en espagnol, en italien, en russe et enfin en turc.
- Anglais
Nous avons déjà mentionné look et anyway, deux des tics de langages les plus connus. En début de phrase, on pourra aussi trouver so (donc), well (bien), whatever (peu importe) actually ou in fact (en fait). Well, what should we do? = Et bien, que devons-nous faire ?
On retrouve aussi parfois certaines expressions en fin de phrase, à l’image des incontournables you know (tu sais) et you see (tu vois). I need more time, you see. = J’ai besoin de plus de temps, tu vois.
Plus rarement, certains tics de langage seront utilisés en milieu de phrase, comme like (genre) dans des formulations telles que I was like surprised. = J’étais genre surpris·e.
- Allemand
Vous connaissez déjà stimmt. Genau et klar peuvent être considérés comme synonymes. Il y a aussi naja (eh ben) qui s’emploie en début de phrase. Naja, du musst die Wahrheit sagen. = Eh ben, tu dois dire la vérité.
En allemand, les tics de langage se retrouvent généralement en milieu de phrase. C’est le cas de eigentlich (en fait), einfach (juste) ou même de ja (oui mais qui s’utilise pour accentuer un propos dans le sens de vraiment). Voici quelques exemples :
Das ist ja super ! = C’est vraiment super ! Dans un registre plus familier, on trouve aussi : Das ist echt super !
Das ist einfach so! = C’est comme ça et pas autrement / et c’est tout !
- Espagnol
Nous avons déjà présenté l’utilisation de mira. Mentionnons également entonces (alors), de verdad (vraiment), sin embargo (ceci dit), pues, vale et bueno (bon). Sin embargo, tienes que decir la verdad. = Ceci dit, tu dois dire la vérité.
- Italien
La langue italienne est réputée pour sa variété de tics de langage. Quindi (donc), comunque (de toute façon), proprio (vraiment), tra l’altro (entre autres), vabbè (soit), allora (alors), senti (écoute), guarda (regarde), va bene (d’accord)… En guise d’exemple, sei proprio strano signifie : tu es vraiment bizarre !
- Russe
Le russe n’est pas en reste puisqu’il existe de nombreux petits mots tels понятно (entendu, compris), Именно (vraiment), Хорошо (bien), тогда (donc), просто (juste), ну (alors), Вот (voilà) ou encore Вообще (en fait). Вообще, ты должен сказать правду. = En fait, tu dois dire la vérité.
- Turc
On retrouve dans la langue turque un caractère méditerranéen proche de l’italien lorsqu’il s’agit d’adopter les tics de langage. Tamam (d’accord), öyleyse (donc), peki (bien), tabii (évidemment), o zaman (alors). O zaman, gerçeği söylemelisin. = Alors, tu dois dire la vérité.
Les tics de langage ne doivent donc pas être confondus avec les tiques. Ce ne sont pas (toujours) des parasites !
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