Est-ce que ça vous est déjà arrivé de revenir épuisé·e après trois semaines de vacances à l’autre bout du monde ? Décalage horaire, emploi du temps millimétré à la seconde près, rythme de visites effréné… et finalement peu de temps pour juste profiter ? Si oui, alors cet article devrait vous intéresser. Le concept de slow voyage (ou slow travel, littéralement, voyage lent) commence à se faire une place dans la grande sphère du voyage.
Qu’est-ce que le slow travel ?
Commençons par le début : le slow travel, c’est quoi ? Le concept de slow travel – mot-concept anglophone qu’on peut traduire littéralement par « voyage lent » – se définit comme le fait de voyager en prenant son temps. Mais pas uniquement : ce terme vous rappellera peut-être d’autres concepts émergents, de slow fashion ou de slow food ; et pour cause !
De plus en plus populaires ces dernières années, les « mouvements lents » ont émergé dans la société afin d’apporter une alternative à l’hégémonie de modes de consommation « fast », par exemple la fast fashion ou, vous avez compris l’idée, la fast food. Autrement dit, comment prendre en compte l’impact environnemental et social de nos voyages, voire plus globalement, revoir notre façon de voyager ?
Pour en savoir un peu plus, nous avons posé quelques questions à Céline, , dont le blog Iznowgood est dédié à la mode éthique et responsable, et “à un mode de consommation plus sensé“. Engagée dans une démarche de slow travel depuis plusieurs années avec son compagnon David, Céline a accepté de partager son expérience dans nos colonnes.
Focus sur Céline, du blog Iznowgood
Il y a quelques années, Céline travaillait dans la finance et suivait une belle carrière toute tracée. Et puis, un jour, elle s’est rendue compte qu’elle n’était pas maître de son temps. Avec son compagnon, ils ont alors décidé de travailler en voyageant et de voyager en travaillant, en limitant leur impact.
Écouter son rythme biologique
Les décalages horaires en sont l’illustration parfaite : ils génèrent inévitablement de la fatigue ! On a tendance à vouloir s’en affranchir rapidement. Pourtant, il serait normal de se reposer après un long vol, ou un long trajet, pour donner du temps à son corps de se remettre de ce choc temporel.
Pour Céline, le slow travel permet donc “prendre son temps, écouter le temps biologique – celui de notre corps, et avancer à son rythme.” Une approche partagée par exemple par les marcheurs de Compostelle, qui rejoignent, à pied, en vélo, ou à dos d’âne, la ville de Saint-Jacques de Compostelle en Espagne. Forcément, lorsqu’on avance à 5km/h, l’expérience du voyage et sa relation au temps est toute autre ! Et inévitablement, on apprend à s’écouter, à écouter son corps pour trouver son rythme. Comme il n’y a pas d’enjeu de performance, on peut se permettre de s’arrêter, de ralentir.
Limiter son impact environnemental et sociétal
Si le slow travel apporte un vrai bénéfice physiologique, il est aussi un moyen de se questionner sur ses habitudes de consommation « touristique » : quel endroit visiter ? Comment s’y rendre ?
Prendre l’avion est souvent la première voire la seule solution envisagée. Pourtant, on peut voyager et être dépaysé en partant pas très loin de chez soi : en bus, en train…
Pour Céline, c’est aussi une façon de limiter le choc culturel. Avec son compagnon, elle a décidé de partir en Thaïlande sans prendre l’avion : ils ont alors commencé un grand périple à travers l’Europe puis l’Asie. “On a vu les cultures évoluer petit à petit. Le choc culturel est moins fort !” Une belle occasion d’observer les changements de culture, mais aussi de paysages, d’architecture tout au long du trajet ; et finalement de mieux comprendre chaque pays traversé et les différences entre chacune de ces cultures.
Les transports collectifs, en plus d’être moins chers, sont souvent une occasion parfaite de se déplacer au rythme des locaux, de créer des opportunités de partage, de rencontre. Et finalement, ce sont souvent ces moments atypiques dont on se souvient le plus !
L’impact social et environnemental concerne aussi bien sûr les lieux que l’on visite, les hébergements que l’on choisit pendant son séjour, les activités que l’on décide de faire… “On a fait attention à ne pas fréquenter des hôtels qui défigurent des paysages, mais plutôt de choisir des maisons d’hôte.“
Cela passe aussi par des choix de consommation et de tri. Dans un article de son blog Iznowgood, Céline raconte que ses choix sont parfois déroutants pour les locaux : “Combien de fois nous sommes-nous heurtés à l’incompréhension des populations locales lorsque nous refusions un sac en plastique, lorsque nous demandions à remplir nos Tupperware plutôt que d’accepter des assiettes et des couverts jetables ou lorsque nous refusions une bouteille d’eau pourtant « gratuite » ?
Pourtant, tous ces choix contribuent à se sentir plus aligné avec soi-même pour tous les gens qui choisissent déjà de réduire leur empreinte carbone dans leur quotidien. Finalement, il suffit de se poser la question aussi, lorsqu’on est en vacances ! Des réflexions pas toujours évidentes, car nous sommes tous remplis d’automatismes liés à la société de consommation qui est la nôtre.
Vivre un pays plutôt que le visiter
Prendre son temps revient aussi à ne pas planifier : se laisser porter par les rencontres, la météo, les envies, les recommandations des locaux… Au final, c’est l’occasion de vraiment créer de vraies relations avec les gens, qu’on parle leur langue ou non !
Céline et David ont notamment vécu dans une ferme en permaculture, au cœur de la Chine pendant un mois. « On a vécu avec eux, on a vu ce qu’ils mangeaient, comment ils pensaient, comment ils s’amusaient : on a tout vécu avec eux. Il me semble que c’est le seul moyen de vraiment connaître un pays. » Là-bas, ils ont pu créer des liens très forts avec les Chinois qui les ont accueillis : une expérience difficile à créer lorsqu’on passe seulement un ou deux jours quelque part, avant de rejoindre sa prochaine destination.
Après tout, est-ce que prendre son temps ne serait pas le luxe ultime des vacances ?
Apprendre la langue locale au quotidien
Lors de leur périple jusqu’en Asie, Céline et David ont beaucoup parlé anglais, notamment en Europe. Et puis, lorsqu’ils ont traversé la Russie et rejoint la Chine, évidemment la communication s’est complexifiée.
« À chaque fois qu’on arrivait dans un pays, on apprenait à dire merci, bonjour, au revoir, à compter jusqu’à 3. Et ça, c’était systématique lorsqu’on entrait dans un pays. Puisqu’on s’installait de manière assez longue, on avait forcément besoin de quelques mots de vocabulaire. »
“C’est un atout immense de parler la langue du pays dans lequel on voyage. Par exemple dans cette ferme en Chine où l’on est resté un mois, certains parlaient anglais. Et heureusement ! On aurait envie de poser mille questions à ces gens !”
Céline
Pendant leur tour de la Mongolie à vélo, ils ont aussi eu la chance incroyable de partager le quotidien des peuples nomades croisés sur les chemins. Au fil du temps, et malgré la complexité de l’apprentissage d’une telle langue, ils ont réussi à comprendre quelques mots et à se faire comprendre. « Par exemple, on était capables de dire yack, vache et mouton en mongol. Il y avait plein de petits mots qu’on apprenait au fur et à mesure. Passer du temps dans un pays permet d’enrichir ton vocabulaire de base ! »
Leur astuce pour se faire comprendre dans un pays où l’alphabet est totalement différent est plutôt simple : “On avait un petit carnet avec des dessins, pour initier des dialogues grâce aux dessins. Ça ne va pas loin mais ça permet de rigoler ensemble, de créer des liens ! “
Alors, le slow travel, ça vous tente ?
En conclusion, pour Céline, le slow travel revient à “remettre de la conscience dans sa façon de voyager : se poser des questions et prendre des décisions éclairées“. Tout simplement.
Pour s’y mettre, Céline conseille de se poser deux questions : “D’abord, tout tient dans le fait de questionner sa relation au temps : est-ce que mon temps est bien employé ?”. Et puis, “il y a tout un pan d’impact écologique qu’il ne faut vraiment pas négliger dans le fait de prendre un avion pour seulement 3 semaines de voyage à l’autre bout du monde ! L’impact est colossal !“
C’est ce qu’elle conseille d’avoir en balance lorsqu’on décide de partir en vacances : “Si on a que 3 semaines, est-ce qu’il n’y a pas des choses extraordinaires à aller voir, en train ? Est-ce que ça vaut le coût pour 3 semaines, d’aller à l’autre bout du monde ?“
Si vous discutez avec des adeptes de slow travel, vous verrez qu’ils partagent tous le même constat : aucun d’entre eux ne reviendrait en arrière, à leur vie, à leurs fast voyages d’avant. Pour Céline, “c’est impossible de revenir en arrière, parce que c’est plus qu’un mode de voyage : c’est vraiment un mode de vie.“
La prochaine destination pour Céline et David est de s’installer au Portugal ; et pourquoi pas de partir en Turquie en vélo via la France et la Grèce ! Et on leur souhaite de beaux voyages, tout en lenteur !