Plus de 600 millions de personnes vivent en Asie du Sud-Est dont près de la moitié en Indonésie. D’ailleurs, l’île de Java est la plus peuplée du monde avec environ 150 millions d’habitants. Dans cette région densément peuplée aux cultures très diversifiées, il n’est pas étonnant que les langues et les dialectes se comptent par centaines. Pour notre tour d’horizon des langues d’Asie du Sud-Est, nous avons choisi de nous consacrer sur les principales langues du sous-continent.
Suivez-nous dans notre périple linguistique vers des langues aussi lointaines que fascinantes. Des langues qui ne sont certes pas proposées (pour le moment) dans le catalogue Babbel mais qui méritaient bien cet article en raison de leurs richesses respectives !
Quels sont les pays d’Asie du Sud-Est ? Par population décroissante, nous évoquerons l’Indonésie, les Philippines, le Viêt Nam, la Thaïlande, la Birmanie, la Malaisie, le Cambodge, le Laos, Singapour, le Timor oriental et Brunei.
Le vietnamien au fil du détroit du Mékong
Avec 100 millions de locuteurs, le vietnamien est l’une des principales langues d’Asie du Sud-Est et la principale de la branche môn-khmer. Comme le chinois et un certain nombre de langues africaines et asiatiques, il s’agit d’une langue à tons. Un ton correspond à un changement de hauteur et d’intonation dans la prononciation. Le vietnamien en compte six. Ce n’est pas le seul point commun avec le mandarin – bien que les deux langues n’appartiennent pas à la même famille. En effet, une grande partie du lexique scientifique, médical politique et religieux dérive du mandarin.
En revanche, à l’inverse des langues chinoises et d’autres langues d’Asie du Sud-Est, le vietnamien utilise une forme adaptée de l’alphabet latin avec 29 lettres. Les lettres f, j, w et z ne sont pas utilisées. Certains sons peuvent être particulièrement compliqués à reproduire pour les francophones. Souvent mal prononcé en français, le son « ng » de Nguyen est à mi-chemin entre le « ng » de king en anglais et le « gn » de gnocchi en italien.
Le vietnamien a aussi emprunté certains mots au français. Un héritage linguistique lié à la période coloniale de l’Indochine française, de la fin du XIXe siècle aux années 1950. Parmi les principaux emprunts lexicaux, citons :
- Le vocabulaire textile avec sơ mi (chemise), cà vạt (cravate) ou encore măng tô (manteau) ;
- Le vocabulaire culinaire avec bích quy (biscuit), sô cô la (chocolat), xúc xích (saucisse), cà phê (café), pho mát (fromage) ou encore cà rốt (carotte) ;
- Le vocabulaire culturel et technique moderne avec xi nê (ciné), ô tô (auto) ou encore ga (gare).
Le vietnamien comprend trois principaux dialectes :
- Le vietnamien du nord, ou dialecte de Hanoï (capitale du pays et considéré comme la version linguistique officielle) ;
- Le vietnamien du centre, ou dialecte de Hué (ancienne capitale impériale) ;
- Le vietnamien du sud, ou dialecte de Saïgon (principale ville du pays).
Le khmer, l’autre langue môn-khmer d’Asie du Sud-Est
Le finlandais n’est pas la langue de la Finlande, et le cambodgien n’est pas la langue du Cambodge. Environ 19 millions de locuteurs ont le khmer pour langue maternelle, dont près de 17 millions au Cambodge. Comme le vietnamien, le khmer est une langue môn-khmer. Ces deux idiomes d’Asie du Sud-Est sont pourtant très distants et ont peu en commun.
Très esthétique, l’alphabet khmer n’a rien à envier à l’artistique langue arménienne. Pour preuve, les chiffres de 1 à 9 qui s’écrivent comme suit : ១ ២ ៣ ៤ ៥ ៦ ៧ ៨ ៩ !
Pourquoi les langues « môn-khmer » ? L’adjectif môn dans l’expression « môn-khmer » renvoie à une langue ancienne d’Asie du Sud-Est. Comptant désormais moins d’un million de locuteurs, le môn est principalement parlé en Thaïlande et en Birmanie.
Le birman, lointain cousin du tibétain
« Isolé dans la jungle birmane » ? Indochine n’aurait pas pu dire mieux pour caractériser la langue officielle de la Birmanie. En Asie du Sud-Est, la langue birmane est parlée par une trentaine de millions de locuteurs. En tant que langue tibéto-birmane, elle dérive du proto-tibéto-birman. Mais dans les faits, elle est très différente du parler tibétain. L’une des originalités du birman est son caractère monosyllabique. En effet, tous les mots birmans ne comportent… qu’une seule syllabe ! Le birman étant une langue tonale (trois tons), chaque syllabe peut posséder jusqu’à trois sens différents. Les turcophones pourraient trouver certaines similitudes – coïncidences amusantes – avec le birman :
- Comme le turc, le birman double les adjectifs pour insister sur le sens. Ainsi, yavaş yavaş veut dire lentement en turc. Sur le même schéma, les Birmans diront ဖြည်းဖြည်း (phyé-phyé).
- Comme le turc, le birman utilise des constructions redondantes pour certaines expressions figées. Ainsi, il pleut se dit yağmur yağıyor (littéralement « la pluie pleut ») en turc. Et le pléonasme est tout aussi acceptable en birman.
Plus surprenant encore, il n’existe pas de nom de famille en birman. Les parents ne transmettent donc pas leur nom à leurs enfants. Chaque personne possède un nom personnel, souvent composé de deux ou trois mots. Sous l’influence occidentale, critiquée par les défenseurs des traditions birmanes, certains noms reprennent ceux des parents. C’est le cas d’ Aung San Suu Kyi (အောင်ဆန်းစုကြည်), où Aung San (အောင် ဆန်း) renvoie au nom de son père, Suu (စု) à sa grand-mère paternelle et Kyi (ကြ ည်) à sa mère.
Le birman est-il la langue de la Birmanie ou du Myanmar ? Lorsque la junte militaire s’empare du pouvoir, la Birmanie est rebaptisée Myanmar et la ville Rangoun devient Yangon. Les nouvelles appellations officielles sont rapidement adoptées en anglais. Mais pas en français. La raison ? Plus politique que linguistique. Continuer à dire Birmanie est une façon de s’opposer à ce régime dictatorial d’Asie du Sud-Est. Le linguiste birman Maun Tha Noe précise que le terme Birmanie est plus inclusif que le Myanmar car regroupant toutes les ethnies du pays.
Les langues taï, de Bangkok au Royaume du million d’éléphants
Le thaï est la principale langue du groupe taï. Connue pour sa grande diversité linguistique, la Thaïlande compte des dizaines d’autres langues taï. Parmi celles-ci, citons l’isan, le taï dam et le saek. Le thaï en tant que tel n’est pas une langue unifiée. On distingue deux grands dialectes, le thaï du nord et le thaï du sud. La langue officielle du pays est encore parfois appelée siamois en référence au royaume de Siam.
Comme la plupart des langues d’Asie du Sud-Est, le thaï (qui est l’une des plus parlées avec près de 70 millions de locuteurs) a la réputation d’être difficile. Et pourtant :
- Les verbes ne se conjuguent pas ;
- Il n’y a pas de déclinaisons ;
- Il n’y a ni singulier ni pluriel, ni féminin ni masculin.
Au Laos, la langue officielle, le lao (ou laotien), est également une langue taï. Elle est très proche du thaï, les deux langues étant considérées comme mutuellement intelligibles. En Birmanie, le shan, parlé par l’ethnie du même nom, est une langue taï minoritaire. On trouve également quelques langues taï au Viêt Nam et en Chine, en particulier dans la province du Yunnan.
Les langues austronésiennes d’Asie du Sud-Est
Impossible de conclure notre périple en Asie du Sud-Est sans évoquer les langues austronésiennes. Le tagalog, parlé aux Philippines, est l’une d’entre elles. Le malais, notamment parlée en Malaisie et à Brunei, en est une autre. À elles deux, elles cumulent plus de 100 millions de locuteurs. Plus confidentiel, le tétoum est une autre langue austronésienne. Il est parlé au Timor oriental par 1,2 millions des Est-Timorais, ce qui représentent 85 % de la population du pays. Ancienne colonie portugaise, le Timor oriental continue de reconnaître le portugais comme langue officielle.
Pour notre dernière halte en Asie du Sud-Est, faisons escale à Singapour. Peuplée de 5 millions d’habitants, la cité-État ne compte pas moins de 4 langues officielles aux origines très différentes. Il s’agit de l’anglais, du malais, du mandarin et du tamoul ! Un beau résumé du concentré de diversité linguistique et culturelle de la région.