Cadonner, caïmanter, motamoter… Connaissez-vous ces mots ? Découvrez les richesses linguistiques du français parlé en Afrique.
L’Afrique est le continent le plus francophone, et on l’oublie souvent. À la question « quelle est la plus grande ville francophone du monde ? », on serait tenté de répondre Paris. Perdu ! La bonne réponse était Kinshasa. Avec treize millions d’habitants, la capitale francophone de la République démocratique du Congo devance la Ville Lumière. Dans le top 10 des villes les plus francophones du monde, on ne trouve qu’une ville française – Paris, donc. Hormis Montréal, toutes les autres villes se trouvent en Afrique ! C’est dire l’importance du continent africain pour comprendre la francophonie. Quels sont les usages du français en Afrique ? Où le parle-t-on ? Quelles sont les expressions françaises typiques d’Afrique ? Découvrons-le ensemble.
Quels sont les pays francophones d’Afrique ?
Le français compte plus de 320 millions de locuteurs à travers le monde. Autrement dit, seul un francophone sur cinq vit en France ! La langue de Molière dispose d’un statut officiel dans 29 pays. Avec le portugais et l’anglais, c’est l’une des rares langues à être représentée sur tous les continents. Et comme le portugais et l’anglais, cela est en grande partie lié au passé colonial de la France. Les pays francophones d’Afrique se trouvent principalement au Maghreb et en Afrique de l’Ouest. Parmi ces pays, nous pouvons citer le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Cameroun, le Sénégal ou encore le Burkina Faso.
Certains experts prédisent que le français sera la langue la plus parlée du monde d’ici 2060 avec un nombre de locuteurs, maternels et secondaires, deux fois plus élevé qu’aujourd’hui. Mais ces prévisions sont à prendre avec un certain recul. Tout dépendra de l’évolution du modèle d’enseignement et des liens politiques, économiques et culturels du continent.
Le saviez-vous ? Peu importe son statut sur le continent, le français n’est que l’une des 3 000 langues d’Afrique ! Même en tant que langue nationale, elle cohabite toujours avec d’autres langues, comme l’arabe, le wolof, le fon ou le swahili.
Français populaire africain : qu’est-ce que le FPA ?
La langue française telle qu’elle est parlée en Afrique est connue sous le nom de « français populaire africain », ou FPA. Souvent, il s’agit d’un mélange de mots français et de mots ou expressions de langues africaines. En linguistique, c’est ce qu’on appelle le code switching, ou l’alternance codique. La structure des phrases et l’ordre des mots peut également changer. Le FPA domine dans les grandes métropoles francophones du continent, à l’image de Dakar, de Cotonou et d’Abidjan. Mais d’un bout à l’autre du continent, le français connaît différentes variétés. On peut distinguer le français maghrébin du français d’Afrique de l’Ouest et centrale. Dans l’océan Indien, le contact de la langue française avec les langues indigènes donne naissance au créole.
Qu’est-ce que le français maghrébin ?
Le Maghreb est une région en grande majorité bilingue, où l’on utilise à la fois le français et l’arabe dans la vie quotidienne. Cependant, l’arabe parlé au Maroc est très différent de celui de Tunisie ou d’Algérie. De la même façon, le français du Maghreb diffère du français de l’Hexagone. Souvent, c’est l’expression d’automatismes de communication liés à un certain biculturalisme ou de besoins difficiles à exprimer dans d’autres langues. Il peut s’agir d’employer tels quels des mots français au milieu d’une phrase en arabe. Ou alors de conjuguer un verbe français en appliquant des règles grammaticales propres à l’arabe – ou au berbère.
On observe plusieurs cas d’utilisations sociales du français au Maghreb :
- le français utilisé par les employés, les fonctionnaires et les commerçants ;
- le français enseigné et utilisé au sein de l’école et de l’université ;
- le français des échanges informels du quotidien.
En fonction du contexte, les mots français qui ressortent du discours peuvent se limiter à des connecteurs de propositions, comme donc, alors ou parce que. Mais s’il y a une variété du français particulièrement influente au Maghreb, c’est celle de la presse. Même si le français n’a pas le statut de langue officielle, on le retrouve souvent dans le journal, à la radio, à la télévision et sur Internet. Certains arabismes se sont exportés jusqu’en France. C’est le cas des mots toubib, bakchich et flouze en argot.
Si on s’éloigne un peu du Maghreb, pour inclure la région plus vaste du Machrek, on trouve aussi des usages spécifiques de la langue française en Égypte. L’université francophone Senghor d’Alexandrie ouvre ses portes en 1990. Dans le contexte universitaire, le français se mêle souvent à la syntaxe de l’arabe. Son rôle dans la vie quotidienne est néanmoins beaucoup plus réduit que dans les pays du Maghreb. On trouve ainsi des constructions comme el-triangle ou el-français, où l’on conserve le déterminant arabe mais où l’on adapte le mot en français. Certains linguistes voient dans cette pratique du français des caractéristiques typiques d’un créole.
Top 10 des expressions françaises d’Afrique subsaharienne
Et le français en Afrique de l’Ouest et centrale ? Quittons Alger et Rabat pour découvrir les mots et expressions typiques d’Afrique subsaharienne.
- S’ambiancer
Faire la fête, s’amuser. On trouve aussi la variante « s’enjailler », issue du nouchi, argot ivoirien. À ne pas confondre avec « enjailler » qui veut dire séduire !
- Cadonner
Contraction des mots cadeau et donner qui signifie « donner un cadeau » au Tchad et au Congo.
- C’est caillou !
Équivalent de « c’est dur, c’est compliqué » dans le langage familier au Burkina Faso, par analogie avec la consistance des cailloux. En France, on rencontre « c’est chaud » dans un registre similaire.
- Caïmanter
« Travailler dur » en Côte d’Ivoire. La comparaison avec les caïmans viendrait du fait qu’ils se lèvent aux aurores. Un peu comme les personnes qui doivent faire face à beaucoup de travail.
- Faire palabre
En Côte d’Ivoire toujours, cette expression veut dire « faire un long discours », « parler longtemps ». On retrouve le mot français palabre hérité de l’espagnol palabra.
- Mordre le carreau
Retour au Burkina Faso avec cette expression qui est l’équivalent de « subir une défaite » ou « mordre la poussière ».
- Motamoter
On reconnaît l’expression « mot à mot ». Et c’est plutôt logique, car au Cameroun, motamoter, c’est « faire du mot à mot ». Comme quand on traduit « mordre la poussière » en anglais par bite the dust – vous connaissez la chanson !
- Aller au pas du caméléon
On comprend aisément l’image de cette expression originaire de la République du Congo pour parler de quelqu’un qui marche aussi lentement qu’un caméléon.
- S’en-fout-la-peur
Tout aussi parlant. Cette fois, l’expression désigne une personne courageuse qui n’a peur de rien.
- Avoir le mojo
Quelqu’un qui « a le mojo » a du charisme et sait user de la séduction pour attirer autrui. À l’origine, dans la langue peul, le mojo renvoie à un sortilège de magie noire pour placer une personne sous son emprise et son pouvoir.
Enfin, des mots qui existent en français peuvent avoir une signification différente en Afrique. Citons par exemple diacre, qui n’est pas un homme d’Église au Congo mais plutôt… un terme argotique pour parler d’une femme ! Au Togo, la pluie peut être celle qui tombe dehors, ou dans les poches des étudiants, puisqu’il s’agit des bourses d’université.
Le saviez-vous ? Comme en Belgique et en Suisse, le Burundi utilise le mot septante pour soixante-dix. La preuve que s’il y a un pays francophone qui manque de logique linguistique… c’est peut-être bien la France !