Au niveau national, l’Inde ne reconnaît que deux langues officielles : l’anglais et le hindi. Mais en fonction des régions, ce ne sont pas moins de 22 langues qui bénéficient de ce statut. Sans compter les centaines d’autres idiomes et dialectes que le pays peine à recenser. Avec l’Afrique du Sud et la Papouasie Nouvelle-Guinée, l’Inde est souvent considérée comme l’un des pays les plus multilingues du monde !
Combien parle-t-on de langues en Inde ?
La richesse linguistique de l’Inde se retrouve aussi à l’écrit avec un grand nombre d’alphabets différents selon les langues. En guise d’introduction, prenons le mot Inde et voyons comment il s’écrit dans les principaux systèmes d’écriture du pays :
– India en anglais ;
- भारत (bhaarat) en hindi ;
– ভারত (bhārata) en bengali ;
– ਭਾਰਤ (bhārata) en pendjabi ;
– ભારત (bhārata) en gujarati ;
– భారతదేశం (bhāratadēśaṁ) en télougou ;
– ಭಾರತ (bhārata) en kannada ;
– ഇന്ത്യ (intya) en malayalam ;
– இந்தியா (intiyā) en tamoul.
La ceinture hindi au nord…
Le nord de l’Inde est dominé par la famille des langues indo-aryennes. Comptabilisant plus de 200 millions de locuteurs natifs, le hindi est la 4e langue mondiale et la 1e langue maternelle en Inde. On y ajoute parfois le rajasthani, le bihari et le pahari pour parler de « ceinture hindi », un ensemble linguistique réunissant plus de 500 millions de locuteurs, langue maternelle et seconde confondues.
Le saviez-vous ? Les mots shampooing, jungle, pyjama, bungalow et punch sont tous issus du hindi !
Parmi les autres langues indo-aryennes, citons le marathi (parlé au Maharashtra, État de Mumbai / Bombay, première ville du pays) et le pendjabi (l’une des rares langues à tons de la famille). Quant au bengali, langue officielle du Bengale-Occidental, du Tripura mais aussi du Bangladesh, il s’agit de la langue de Jana Gana Mana (জন গণ মন), l’hymne national de l’Inde !
Faut-il dire Bombay ou Mumbai ? Le nom de la ville Bombay viendrait du… portugais pour « bonne baie » ! Officiellement renommée Mumbai en 1995, la mégalopole indienne de plus de 20 millions d’habitants continue d’être appelée indifféremment par ses deux noms en français comme en anglais. Un peu comme Pékin et Beijing ou la Biélorussie et le Bélarus. La preuve que la toponymie ouvre aussi parfois des débats linguistiques épineux… et épicés !
Historiquement, les langues des grands empires orientaux, telles l’arabe, le turc et le persan, ont largement influencé les langues de l’Inde. Aujourd’hui encore, l’ourdou (par ailleurs une des langues officielles du Pakistan), autre langue majeure du nord du pays, utilise l’alphabet perso-arabe.
… et les langues dravidiennes au sud
Si les langues indo-aryennes font partie de la famille des langues indo-européennes, la classification des langues dravidiennes est plus délicate. Leur longue histoire de plusieurs millénaires n’est pas encore totalement élucidée. Certaines théories, aujourd’hui rejetées par manque de preuves, rattachaient ce groupe de langues d’Inde du Sud aux langues ouraliennes voire aux langues altaïques. En effet, comme pour le turc et le hongrois, il s’agit de langues agglutinantes. Lien de famille ou simple coïncidence ? La question reste ouverte…
Alors, quelles sont ces langues dravidiennes parlées au sud de l’Inde ? Avec 80 millions de locuteurs, le télougou est la plus parlée. On trouve aussi le tamoul, qui est par ailleurs l’une des langues officielles du Sri Lanka. Viennent ensuite le kannada et le malayalam… qui a la particularité d’être la seule langue au monde dont le nom forme un palindrome !
De l’hindoustani au hindi et à l’ourdou
Les similarités entre le hindi et l’ourdou ne sont pas sans rappeler celles du BSCM dans les Balkans. À l’oral, les deux langues sont sensiblement similaires, malgré une influence dominante du sanskrit sur le hindi et de l’arabe et du persan sur l’ourdou. Les différences concernent donc essentiellement les accents, l’emploi de certains mots techniques et l’alphabet. Autrement dit, un locuteur de l’ourdou sans autres compétences linguistiques est capable de comprendre le hindi à l’oral mais ne peut pas le lire tandis qu’il peut lire l’arabe ou le persan sans comprendre ces langues ! Tout comme le serbo-croate désignait la langue slave des Balkans au temps de la Yougoslavie, le terme plus englobant d’hindoustani est parfois utilisé pour qualifier le continuum linguistique qui unit l’Inde du Nord au Pakistan.
Mais comment les Indiens font-ils pour communiquer entre eux ?
La diversité et les origines des langues de l’inde ne sont peut-être pas les plus grandes énigmes du pays. Le vrai mystère est de savoir comment les Indiens parviennent à communiquer et à se comprendre ! Dès l’enfance, les Indiens sont habitués au multilinguisme. L’exposition permanente à la diversité culturelle et linguistique et la nécessité pragmatique d’être polyglotte font que les Indiens apprennent les langues au contact des autres : voisins, amis, familles, collègues, etc. Avec parfois des niveaux différents d’un moyen d’expression à l’autre. Il n’est donc pas rare qu’un Indien puisse parle une langue sans pouvoir ni la lire ni l’écrire. Voire la comprendre sans la parler soi-même !
Au fait, quelle est la place de l’anglais en Inde ?
À la frontière avec le Bhoutan et la Birmanie, l’Arunachal Pradesh est l’un des États les plus diversifiés linguistiquement avec plusieurs dizaines de langues tibéto-birmanes recensées. Et pourtant, depuis les années 1990, une seule langue y dispose du statut officiel : l’anglais ! Est-ce à dire qu’il s’agit de la langue dominante de la région ? Loin de là. Même situation dans l’État du Meghalaya, où le khasi, une langue austro-asiatique de la même famille que le khmer, la langue officielle du Cambodge, est la langue maternelle de près d’un habitant sur deux.
Si l’anglais continue de jouir de ce rôle prestigieux en Inde et de jouer un rôle de lingua franca, c’est parce qu’elle est considérée comme la langue des affaires et des classes supérieures. Héritage de la colonisation britannique, la langue de Shakespeare est devenue un instrument politique et économique censé servir le développement économique du pays et son rayonnement à l’international. Dans les faits, l’anglais reste néanmoins une langue minoritaire, aussi bien en tant que langue maternelle que seconde, exception faite du hinglish, mélange d’anglais et de hindi – et bel exemple de code switching !